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Définitions du droit de la propriété intellectuelle | Petit lexique

Petit lexique de charabia juridique : la propriété intellectuelle

Par Pierre Massot et Inga Penverne
Publié le 01/09/22

Quand on vous dit « propriété intellectuelle », vous avez peut-être une vague idée de ce que cela signifie. La plupart des gens savent (ou devinent) que les droits d’auteur sont des droits de propriété intellectuelle… et ça s’arrête là. Mais en réalité, il s’agit d’un domaine très vaste qui inclut de nombreux droits : marques, brevets, dessins et modèles, droits voisins, etc. Pour vous aider à y voir plus clair, voici un petit lexique pratique pour comprendre en quelques minutes le vocabulaire (charabia !?) et les définitions du droit de la propriété intellectuelle.

Qu’est-ce que la propriété intellectuelle ? Définitions

Propriété intellectuelle :

C’est une propriété… intellectuelle. Vous n’avez pas compris ? On recommence : la propriété intellectuelle, c’est une propriété, un monopole, un droit exclusif sur quelque chose d’immatériel, que l’on ne peut pas toucher, donc d’intellectuel. Ce n’est toujours pas clair ? C’est normal, c’est abstrait comme notion.

Prenons un exemple : vous avez acheté un livre (papier), vous en êtes propriétaire. Plus précisément, vous êtes propriétaire du support matériel (le papier avec l’encre dessus). Mais vous n’êtes pas propriétaire de l’œuvre de l’esprit, c’est-à-dire de la création intellectuelle qui est reproduite avec de l’encre sur le papier (un roman par exemple). Cette propriété-là, sur cette œuvre de l’esprit, c’est en principe l’auteur qui la détient. Il faut donc bien distinguer d’un côté la propriété sur les choses matérielles, que l’on peut toucher, et la propriété intellectuelle, qui est… intellectuelle.

Dernière chose à savoir : la propriété intellectuelle comprend deux branches distinctes, la propriété littéraire et artistique et la propriété industrielle.

Propriété littéraire et artistique :

C’est la première branche de la famille de la propriété intellectuelle. Elle comprend les droits immatériels portant sur la littérature et l’art en général. Plus précisément, la propriété littéraire et artistique regroupe les droits d’auteur et les droits voisins (voir ci-dessous les définitions de ces deux droits).

Propriété industrielle :

C’est l’autre branche de la famille. Son nom est un peu trompeur, car elle touche à des droits au-delà de l’industrie. Dans cette branche, on trouve principalement les brevets, les dessins et modèles et les marques (voir les définitions ci-dessous). Ces droits de propriété industrielle sont le plus souvent effectifs à la suite d’un dépôt, auprès d’offices de la propriété industrielle : l’INPI en France et organismes équivalents à l’étranger ou au niveau international.

Les principaux droits de propriété intellectuelle

Droits d’auteur :

Ce sont les droits de propriété intellectuelle les plus connus. Ils protègent les droits des auteurs sur leurs œuvres ou créations, quels que soient leur genre, leur forme d’expression, leur mérite ou leur destination. Le code de la propriété intellectuelle donne une liste non exhaustive des œuvres qui peuvent faire l’objet de cette protection.

Pour être protégeable par les droits d’auteur, la création doit être :

  1. mise en forme, car les idées ne peuvent pas être protégées ;
  2. originale, c’est-à-dire qu’elle reflète la personnalité de son auteur en manifestant ses choix libres et créatifs.

La protection par les droits d’auteur est effective du seul fait de la création, aucun dépôt n’est nécessaire. Cependant, pour pouvoir opposer des droits d’auteur à des tiers ou les céder, il est indispensable de se ménager toutes sortes de preuves : preuve de la création, preuve que vous êtes l’auteur, preuve de la date de création, etc.

Parmi les droits d’auteur, on distingue les droits patrimoniaux et les droits moraux. Les droits patrimoniaux sont les droits économiques sur l’œuvre (reproduction, représentation), qui durent jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur. Les droits moraux quant à eux sont perpétuels (ils ne cessent jamais), transmissibles aux héritiers, inaliénables (on ne peut pas les céder) et imprescriptibles (même si on ne les utilise pas, on ne les perd pas).

Attention à ne pas confondre les droits d’auteur au sens du droit de la propriété intellectuelle, avec les droits d’auteur au sens de la sécurité sociale. Lorsque vous dites que vous êtes « payé en droits d’auteur », cela veut dire que votre rémunération n’est pas un salaire. Et cela ne signifie pas pour autant que vous avez des droits d’auteur au sens de la propriété intellectuelle. Pour cela, il faut que votre création soit originale. La boucle est bouclée !

Droits voisins :

Comme leur nom l’indique, ce sont des droits « voisins », mais voisins de qui ? Ils sont voisins des droits d’auteur. Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce ne sont donc pas des droits d’auteur (sinon c’en serait), mais ça y ressemble. D’où l’idée de voisinage. Alors, concrètement c’est quoi les droits voisins ? Eh bien, ce sont les droits des artistes-interprètes (comédiens, acteurs, chanteurs, musiciens, etc.), les droits des producteurs de phonogrammes, de vidéogrammes (producteurs de films et musiques) et des bases de données, et les droits des entreprises de communication audiovisuelle (chaînes de télévision, radios, etc.). C’est un peu un melting-pot car au sein des droits voisins, il y a des différences notables.

La durée de protection est de 50 ans à partir de la naissance des droits voisins. Soit à compter :

  • de l’interprétation pour les artistes-interprètes ;
  • de la première fixation d’une séquence sonore ou visuelle pour les producteurs de créations audiovisuelles ;
  • de la première communication au public des programmes pour les chaines de TV et radios.

Dessins ou Modèles :

Le dessin ou modèle protège l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit, notamment ses lignes, contours, couleurs, formes, textures, etc. Plus concrètement, il sert notamment à protéger :

  • le design, par exemple les meubles, les vêtements, les sacs ;
  • des parties de produits, comme les pièces détachées d’automobile ;
  • l’apparence de produits, par exemple la forme d’une bouteille ou d’un emballage ;
  • l’ornementation des produits, comme les motifs apposés sur des rideaux ou des vêtements ;
  • etc.

Pour pouvoir déposer un dessin ou un modèle, deux conditions sont applicables :

  1. Il faut qu’il soit nouveau, c’est-à-dire que personne n’ait divulgué un dessin ou modèle identique ou quasi identique auparavant. « Divulguer » veut dire rendre accessible au public par tout moyen : publication, usage, exposition, publicité, présentation, etc.
  2. Il faut qu’il ait un caractère individuel (droit européen) ou un caractère propre (droit français). En pratique, les deux veulent dire la même chose, mais en transposant la directive européenne, le Parlement français a bizarrement pensé que ce serait utile de changer un peu les termes… Un modèle a un caractère propre/individuel lorsque l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle produite par des dessins ou modèles antérieurs. Autrement dit, il ne suscite pas une impression de déjà-vu dans son ensemble, par rapport à un dessin ou modèle antérieur.

Le dépôt et l’enregistrement d’un dessin et modèle doit être effectué auprès d’un office de la propriété industrielle. En France, c’est l’INPI qui est compétent. Pour un modèle qui produit ses effets dans l’ensemble des pays de l’UE, c’est auprès de l’EUIPO (l’office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle) qu’il faut accomplir les formalités de dépôt. Le dessin ou modèle confère à son titulaire un droit exclusif pour une période de 5 ans, renouvelable maximum quatre fois (25 ans en tout).

Ce qui est intéressant (et parfois utile), c’est qu’une même création peut être protégée à la fois par le droit des dessins et modèles et par les droits d’auteur (à condition bien sûr de remplir les conditions de protection).

Brevets

Le brevet d’invention est un titre de propriété industrielle qui protège les innovations techniques et technologiques. On parle ici d’invention brevetable, qui se définit comme une solution apportée à un problème technique, par des moyens techniques.

Pour être brevetable, une invention doit être :

  1. susceptible d’application industrielle, c’est-à-dire que son objet peut être fabriqué et utilisé dans tout genre d’industrie, y compris l’agriculture ;
  2. nouvelle ou ne pas être comprise dans l’état de la technique, c’est-à-dire que personne n’avait déjà eu accès à cette innovation ;
  3. le résultat d'une activité inventive, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas être évidente pour l’homme du métier.

Le dépôt s’effectue auprès de l’INPI pour les brevets français et il y a des procédures pour étendre la protection à l’international, notamment via  l’OEB (Office européen des brevets) pour l'Europe. La durée de protection est en principe de 20 ans, sous réserve de payer les redevances annuelles, dont le montant augmente au fil des ans.

Marques

La terminologie exacte et complète est : marques de fabrique, de commerce ou de service. Eh oui, c’est un peu pompeux, mais au moins c’est précis. À quoi sert une marque ? Chez les juristes, on dit que c’est un signe distinctif qui permet d’identifier l’origine de produits ou services d’une entreprise et de les distinguer de ceux des autres.

Peut être déposé à titre de marque tout signe distinctif permettant de déterminer précisément et clairement l'objet de la protection. Ainsi, peuvent notamment être déposés les signes suivants :

  • les dénominations ou marques dites verbales : les noms en tant que tels, sans élément graphique ou visuel ;
  • les signes figuratifs à deux dimensions : images, dessins, logos, couleurs (avec un code pantone) ;
  • les signes figuratifs à trois dimensions : la forme d’un produit, par exemple ;
  • les signes sonores représentés sur une portée musicale : comme les jingles publicitaires.

Mais ce n’est pas tout, la validité d’une marque suppose qu’elle soit :

1. Licite : sont exclus les emblèmes des pays (drapeaux) et signes officiels, les signes contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs et les signes déceptifs ou trompeurs.

2. Distinctive : c’est à dire à même de remplir sa fonction d’identification du produit, du service ou de l’entreprise. Plus précisément, pour ne pas monopoliser des signes nécessaires à l’ensemble des acteurs du même domaine, sont exclus :

  • les signes nécessaires, génériques et usuels : par exemple « Art » pour désigner la vente d'œuvres d’art ;
  • les signes descriptifs : par exemple « Confort » pour des fauteuils et canapés ;
  • les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit : par exemple une clé de sol pour des articles relatifs à la musique.

3. Disponible : c’est-à-dire qu’elle ne porte pas atteinte à des droits antérieurs, comme des droits d’auteur, un nom de domaine, une dénomination sociale, ou une marque antérieure identique ou similaire désignant des produits ou services identiques ou similaires, etc. Pour des produits différents, il est parfaitement possible que deux marques identiques soient valables. L’exemple le plus frappant est la coexistence des marques « Mont Blanc », déposées l’une pour les desserts et l’autre pour les stylos.

4. Déposée de bonne foi : ici l’idée est d’exclure les dépôts frauduleux effectués par les petits malins qui ont constaté qu’une marque déjà utilisée par une personne ou une entreprise n’a pas été déposée. Ils la déposent à leur nom, dans le but de nuire au titulaire légitime de la marque ou d’essayer de la lui revendre…

Le dépôt de marque s’effectue auprès de l’INPI pour les marques françaises et de l’EUIPO pour les marques européennes. Il confère un droit de propriété de 10 ans, renouvelable indéfiniment.

Le contentieux de la propriété intellectuelle

Contrefaçon :

La contrefaçon est l’acte par lequel une personne ou une entreprise copie à l’identique ou imite une œuvre, un modèle, une invention ou une marque protégé par un droit de propriété intellectuelle préexistant. Donc pour qu’il y ait contrefaçon, il faut un droit de propriété intellectuelle antérieur, c’est-à-dire des droits d’auteur, des droits voisins, un dessin ou modèle, un brevet ou une marque. Logique, non ?

La reproduction ou l’imitation d’une dénomination sociale, d’un nom commercial ou d’un nom de domaine sont sanctionnés sur le terrain de la concurrence déloyale, à condition qu’il existe un risque de confusion. Ce ne sont pas des actes de contrefaçon.

La contrefaçon se caractérise par la reproduction à l’identique de l’objet, de la marque ou de la création protégé par le droit de propriété intellectuelle, mais aussi par son imitation. Dans ce dernier cas, il y a contrefaçon s’il existe de nombreuses ressemblances susceptibles de créer un risque de confusion pour le public. Précisons tout de suite que la contrefaçon s’analyse par rapport aux ressemblances et non en fonction des différences. Donc peu importe qu’il y ait de nombreuses différences entre les deux produits, s’il existe aussi des ressemblances importantes créant un risque de confusion.

L’acte de contrefaçon est sanctionné sur le plan civil par le tribunal judiciaire, par des mesures d’interdiction et l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Mais c’est aussi une infraction pénale réprimée par le tribunal correctionnel.

Concurrence déloyale :

En marge de la contrefaçon, il existe le fondement de la concurrence déloyale. Il est fréquent que des actes de contrefaçon soient accompagnés d’actes de concurrence déloyale distincts.

La concurrence déloyale est caractérisée lorsqu’une personne ou une entreprise adopte un comportement qui nuit à l’un de ses concurrents. De tels actes engagent la responsabilité civile extracontractuelle de son auteur. Pour cela, il faut démontrer :

  1. qu’une faute a été commise ;
  2. qu’un préjudice a été subi ;
  3. qu’il existe un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Quels actes sont fautifs et constitutifs de concurrence déloyale ? Voici un petit florilège :

  • La confusion entre deux concurrents : copie ou imitation d’un produit, d’une création ou d’un signe qui ne sont pas protégés par un droit de propriété intellectuelle, utilisation d’une enseigne, d’un nom commercial, d’un nom de domaine identique ou similaire, imitation de publicité, etc.
  • Le dénigrement : répandre de fausses informations sur une entreprise, dénigrer des produits ou services, etc.
  • La désorganisation : débauchage de personnel, détournement de clientèle, etc.
  • Etc.

L’action en concurrence déloyale relève en général de la compétence des tribunaux de commerce lorsque le litige oppose des commerçants, ce point est à voir avec votre avocat en cas de procès.

Parasitisme :

Le parasitisme est une forme de déloyauté fautive.

Pour une fois, le droit utilise un mot du langage courant qui permet de visualiser concrètement de quoi on parle : d’un parasite qui s’engraisse sur le dos d’une autre personne. C’est un peu caricatural, mais assez parlant. Vous vous en doutez, les tribunaux ont élaboré une définition « officielle » du parasitisme, un peu plus sérieuse. C’est lorsqu’un opérateur économique se place dans le sillage d’un autre, en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion. Les juges ont également précisé que le parasitisme requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et/ou d’investissements.

Ce sont des définitions un peu alambiquées, on vous l'accorde. Pour mieux comprendre, voici quelques explications :

  • une personne ou une entreprise s’inspire d’un tiers (concurrent ou pas), de son univers, de ses produits, de sa charte graphique, de son positionnement, sans pour autant le copier servilement ;
  • une personne ou une entreprise fait référence (plus ou moins subtilement) à une entreprise ou à des produits connus, afin de profiter de sa notoriété, pour vendre ses propres produits ;
  • le public ou les consommateurs ne confondent pas nécessairement les produits ou les entreprises, mais font un lien entre les deux dans leur esprit ;
  • le parasite profite du savoir-faire, du travail ou des investissements d’un tiers (recherche, développement, marketing, communication, etc.), ce qui lui permet de ne pas engager lui-même ces frais, tout en en récoltant les fruits.

Le parasitisme est un fondement utile lorsque la création ou le signe antérieur n’est pas protégé par un droit de propriété intellectuelle. Ou lorsque la valeur copiée est à l'état d'idée. C’est aussi le cas lorsque la copie n’est pas servile ou ne constitue pas une contrefaçon, c’est-à-dire qu’elle ne crée pas de confusion pour le public. Pour autant, elle cause un réel préjudice.

Sur ce sujet, lire aussi : comment protéger une idée ou un concept ?

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