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Comment protéger mon design ? Avec les dessins et modèles !

Le dessin et modèle : votre allié pour protéger vos designs

Par Pierre Massot
Publié le 09/12/21

On entend parfois parler de dessins et modèles. Mais peu sont ceux qui, à part les juristes spécialisés en propriété intellectuelle (soit moins de 0,001 % de la population), savent exactement ce que c’est et à quoi ça sert ! Pourtant, si vous vous demandez comment protéger votre design, le droit des dessins et modèles est votre meilleure option et il mérite d’être mieux connu des créateurs et designers. Dans cet article, nous répondons aux questions les plus courantes : Qu’est-ce qu’un dessin et modèle ? À quoi ça sert ? Ou encore, pourquoi déposer un dessin et modèle ? Retroussez vos manches et à vos notes donc, car cette page est une des plus importantes pour apprendre à vous protéger.

Alors, qu’est-ce qu’un dessin et modèle ?

Dessins et modèles : la définition officielle

Un « dessin et modèle » est un titre de propriété industrielle qui protège le design. Plus précisément, pour utiliser les termes des textes légaux, le dessin et modèle protège :

« L’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation ».

En voilà une belle définition de juriste pas simple à comprendre ! Donc, pour faire un peu de tautologie – ça ne fait pas de mal de rappeler qu’un chat est un chat, un dessin ou modèle est un titre de propriété qui protège un dessin ou un modèle. Ce n’est pas parfait, mais c’est à peu près compréhensible.

Quelques exemples de dessins et modèles :

Logos, icônes, typographies, interface graphiques, cartes (par ex. la carte du métro), packagings, design de produits (canapé, chaussure, etc.), design de parties de produits (par ex. la forme d’une semelle !), etc. Tout cela peut notamment être déposé à titre de dessin ou modèle.

Pour ceux qui veulent tous les détails juridiques, allez fouiner sur le site de l’INPI ou, mieux, sur l’excellent site de l’EUIPO (sigle un peu barbare de l’Office européen de la propriété intellectuelle situé à Alicante et qui s’occupe des marques et des dessins et modèles de l’UE).

À quoi ça sert de déposer un dessin ou modèle ?

Déposer ses dessins ou modèles présente plusieurs avantages. Grâce à eux, vous avez notamment :

  • une date certaine pour vos créations, toujours utile en cas de copie de votre dessin ou modèle par un tiers pas toujours de bonne foi (pour prouver que vos créations sont antérieures aux siennes) ;
  • un monopole efficace sur vos créations : les dessins et modèles enregistrés sont présumés valables et il est difficile de les contester, sauf à produire des antériorités très pertinentes. Ils sont donc souvent très dissuasifs vis-à-vis des contrefacteurs.

Si j’ai déjà des droits d’auteur, pourquoi déposer un dessin ou modèle ?

Les dessins (comme les œuvres graphiques) et les modèles (c’est-à-dire les œuvres des arts appliqués) sont potentiellement également protégeables par le droit d’auteur. Le droit d’auteur européen protège toute création intellectuelle propre à son auteur. Enfin, pour être plus précis, il protège toute création intellectuelle que les juges estiment être une création intellectuelle. Et la nuance est de taille !

Le critère de l’originalité en droit d’auteur, un critère exigeant

En effet, selon le droit européen, il y a une création intellectuelle propre à son auteur si l’objet en question est original. Or, démontrer l’originalité d’une création n’est pas sinécure et l’appréciation des juges est chargée de subjectivité. Précautionneux, le législateur français a certes gravé dans le marbre légal que le mérite n’a rien à voir là-dedans (comme dirait Clint Eastwood). Mais il reste que le mérite a souvent une certaine influence et que l’appréciation de l’originalité est empreinte de subjectivité.

L’appréciation restrictive des juges en matière de droit d’auteur ces dernières années

Ce n’est pas tout. Depuis 10 ans, les juges français ont rehaussé le seuil de créativité exigé. Ils font ainsi disparaitre l’ancien principe sacro-saint du « cumul total » cher au droit français. Ce cumul permettait de protéger généreusement de nombreux créateurs, par le droit des dessins et modèles ET par le droit d’auteur.

Concrètement, cela signifie qu’aujourd’hui, il est plus difficile de protéger ses créations en France par le droit d’auteur. L’âge d’or est révolu. C’est l’âge de fer, les créateurs doivent se contenter d’un cumul de protection partiel. C’est-à-dire un cumul seulement potentiel, lorsque les juges estiment dans leur pouvoir souverain que la création est selon eux « originale ». Derrière le jargon juridique un peu lénifiant, disons que les juges ont le pouvoir de juger ou non une œuvre originale et qu’il y a là-dedans une part d’arbitraire. Autant dire que tout cela ouvre grand la porte à l’aléa judiciaire.

La force des dessins et modèles

Pour toutes ces raisons, les contrefacteurs sont souvent plus impressionnés par l’existence de droits de dessins et modèles enregistrés auprès d’un organisme officiel, que par un designer qui invoque seulement des droits d’auteur. Car il est possible et souvent plus facile de contester l’existence de droits d’auteur en mettant en cause leur originalité. Donc, si vous le pouvez, déposez vos créations à titre de dessins et modèles pour mieux vous protéger !

Comment déposer mes dessins et modèles ?

On ne va pas redire ici ce qui est mieux dit ailleurs : tout est expliqué clairement sur le site des offices officiels concernés :

  • Pour déposer un dessin ou modèle français, rendez-vous sur le site de l’INPI et plus particulièrement sur sa page « comment déposer un dessin ou modèle ? ».
  • Pour déposer un dessin ou modèle vous protégeant au sein de l’Union européenne, rendez-vous sur le site de l’EUIPO et plus précisément sur la page « comment enregistrer un dessin ou un modèle ».
  • Pour vous protéger ailleurs dans le monde, il faut soit s’adresser aux offices des pays concernés, comme à l’USPTO aux USA, soit passer par l’OMPI (l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle). Si vous en êtes là, autant demander l’aide d’un conseil spécialisé car le dépôt de dessins et modèles à l’international a un bon nombre de subtilités et de chausse-trappes.

Combien ça coûte de déposer des dessins et modèles ?

Tout dépend du territoire visé, du nombre de dessins et modèles à déposer, de la forme du dépôt (simplifié ou non), etc.

Ici encore, on ne va pas redire ce qui est mieux dit ailleurs et nous vous renvoyons sur le site des offices concernés. L’office européen a un calculateur de taxes accessible ici, très pratique. Il y a parfois des aides possibles, notamment grâce au Fonds de l’office européen pour les PME. Il y a aussi des possibilités de faire des dépôts simplifiés en France notamment, avec des tarifs très attractifs au moment du dépôt et un délai de 30 mois pour le faire publier.

Un conseil général toutefois, il faut adapter sa voilure à ses moyens et se protéger sur ses marchés clés :

  • Si vous êtes un jeune designer français sans clientèle internationale et sans trop de sous, commencez par déposer vos dessins et modèles de manière simplifiée (sans oublier de les publier dans le délai de 30 mois pour ne pas les perdre). Cela vous fera une première protection. C’est toujours mieux que rien.
  • Si vous avez déjà un peu de surface, déposez dès que vous pouvez au niveau européen. Il n’y a pas mieux en termes de rapport coûts/efficacité (27 pays couverts).
  • Si vous avez une activité internationale, allez voir un conseil pour vous aider à définir la meilleure stratégie.

Il y a aussi des aides au stade du conseil, grâce au Fonds de l’office européen pour les PME : inscrivez-vous ! C’est une belle initiative pour soutenir les PME européennes, alors profitez-en !

Combien de temps ça dure un dessin ou modèle ?

En France et au sein de l’UE, les dessins et modèles sont protégés pour une période de 5 ans renouvelable 4 fois, soit au maximum pendant 25 ans.

Attention : n’attendez pas trop longtemps ! Quand c’est trop tard, c’est… trop tard

Si vous déposez trop tard votre dessin et modèle, il ne sera plus valable. Vous avez en effet 12 mois pour déposer votre dessin ou modèle en France ou au sein de l’UE après sa divulgation. C’est-à-dire 12 mois après l’avoir montré au public ou communiqué à des tiers pour la première fois sans clause de confidentialité. Passé ce délai, c’est trop tard, le dessin ou modèle sera entaché de nullité et tout tiers pourra solliciter sa nullité.

C’est ballot de perdre ses droits pour une simple question de délai. Et pourtant, c’est fréquent en pratique parce que la plupart des designers, créateurs et PME spécialisées dans le design en France ne sont pas assez bien informés et sensibilisés. Donc, on ne vous le dira jamais assez, veillez sur vos droits et surveillez les délais !

Quelles sont les conditions de validité d’un dessin ou modèle ?

Tout d’abord, pour être valable, un dessin et modèle doit être un dessin et modèle pour être enregistré. Cela semble idiot à dire, mais ça ne mange pas de pain parfois de rappeler l’évidence : on ne peut pas déposer autre chose qu’un dessin ou un modèle (comme un concept ou une idée, par exemple) à titre de dessins et modèles !

Les critères de protection des dessins et modèles

Votre dessin et modèle doit :

  1. être nouveau, c’est-à-dire qu’il ne doit pas y avoir de dessin ou modèle identique divulgué au public antérieurement (comme les juristes aiment bien la précision, les textes précisent que des dessins ou modèles sont considérés comme identiques s'ils ne diffèrent que par des détails insignifiants) ;
  2. présenter un caractère individuel : qu’est-ce que ça veut dire ? Eh bien, tout simplement que votre dessin ou modèle doit produire une impression globale différente sur l'utilisateur averti par rapport à celle produite par tout dessin ou modèle antérieur.

Pour ceux qui aiment le droit (si vous êtes arrivés jusque-là on peut commencer à se poser la question), sachez que la loi française dit « caractère propre » parce que le législateur français a la fâcheuse manie de prendre certaines libertés dans la transposition des directives européennes, mais les deux expressions sont synonymes.

En pratique, si votre dessin ou modèle est le résultat d’un travail créatif, ces deux conditions ne sont pas trop difficiles à franchir. Le droit des dessins et modèles est plus accueillant à cet égard que le droit d’auteur.

Critères additionnels :

Pour conclure, au cas où vous n’y auriez pas pensé de vous-même, votre dessin ou modèle ne doit pas porter atteinte aux droits des tiers ou même à l'ordre public ou aux bonnes mœurs. N’oubliez quand même pas que votre dessin et modèle doit être publié et qu’il doit être enregistré par un organisme officiel. Ce dernier n’enregistra pas un dessin ou modèle qui inciterait à la violence ou à la discrimination. À bon entendeur, salut !

J’ai entendu parler de dessins et modèles communautaires non enregistrés, qu’est-ce que c’est ?

C’est à n’y plus rien comprendre. On me dit que les dessins et modèles doivent être déposés et qu’il faut payer une taxe, et après on me dit qu’il est possible d’avoir des dessins et modèles communautaires non enregistrés !

En fait, il s’agit de l’exception qui confirme la règle. Le principe est que pour bénéficier d’un dessin ou modèle, il faut le déposer et le faire enregistrer auprès d’un organisme officiel après avoir payé une taxe. Mais, par exception, le droit européen protège néanmoins les dessins et modèles non enregistrés qui ont été divulgués pour la première fois au sein de l’UE. Attention, il s’agit plutôt d’une protection de « back-up » que d’une réelle protection.

Vos droits sur vos dessins et modèles communautaires sont un peu moins efficaces que des dessins et modèles enregistrés :

  • ils ne sont pas présumés valables ;
  • ils durent seulement 3 ans (c’est très court et cela laisse les contrefacteurs arriver très vite sur le marché) ;
  • il faut démontrer que le contrefacteur a copié pour engager sa responsabilité, autrement dit, il faut démontrer sa mauvaise foi.

Y-a-t-il un symbole officiel pour montrer que mon dessin ou modèle est enregistré ?

Non, il n’y pas pour l’instant de symbole officiel en France et au sein de l’UE pour montrer aux tiers que l’on a déposé un dessin ou modèle. Il y a des discussions en cours au niveau européen pour créer un tel symbole.

Rien n’interdit toutefois d’utiliser la mention « modèle déposé » ou le symbole ®(qui renvoie en anglais au terme « registered »). Dans ce cas, il faut faire bien attention à n’utiliser ces mentions que si le modèle est réellement déposé et enregistré. À défaut, un concurrent pourrait vous reprocher de faire de la concurrence déloyale ou d’utiliser des mentions trompeuses.

Pourquoi déposer un dessin ou modèle ? Pour mieux protéger vos designs, vos créations et votre travail !

Le droit des dessins et modèles a été conçu pour protéger le travail des designers. Certes, il y a quelques contraintes (de temps et de coûts) mais c’est un des meilleurs moyens de protéger vos créations. Il y a à cet égard un déficit en France de culture de propriété intellectuelle dans les milieux créatifs et du design, peut-être parce que le jargon juridique suscite des allergies légitimes. Pendant ce temps, les entreprises étrangères protègent de plus en plus leurs dessins et modèles, et notamment les entreprises chinoises. Il faut donc nous réveiller et protéger le design en France.

Alors, ayez le réflexe dessins et modèles, protégez-vous !

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Et n’oubliez pas ! Chaque situation est unique, chaque cas comporte des spécificités qui entraînent une application du droit individualisée. Les informations communiquées sur la plateforme Creatricks sont d’ordre général et ne remplacent pas un conseil personnalisé. En cas de doute, n’hésitez pas à vous rapprocher d’un avocat.

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