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Comment Protéger ses Créations ? 3 conseils pratiques

3 questions à Pierre Massot, avocat en propriété intellectuelle

Par Pierre Massot
Publié le 09/12/21

Vous créez régulièrement des œuvres (graphiques, audiovisuelles, photographiques, architecturales, d’arts appliqués, etc.). Mais vous ne vous occupez pas régulièrement de protéger vos droits. Vous n’êtes pas seul. La plupart des créatrices et créateurs en France sont allergiques au droit et ont une poussée d’urticaire rien qu’à l’idée de rencontrer un avocat. Bref, Harvey Specter et Joséphine Karlsson ne vous ont pas encore réconcilié avec le monde du droit (oui, c’est vrai, peu d’avocats ressemblent à Harvey…) ! Pourtant, là où vous avez tort, c’est qu’il vaut mieux prévenir que guérir en vous prenant en main en amont, plutôt que d’attendre un litige pour réfléchir à vous protéger. D’autant qu’il n’est pas si sorcier de se protéger un minimum. La base, c’est du bon sens et quelques bons réflexes. C’est un peu comme mettre sa ceinture de sécurité en voiture et passer à la révision régulièrement. Pour vous aider à y voir plus clair, Pierre Massot, avocat en propriété intellectuelle, répond à trois questions pratiques et nous explique comment protéger ses créations.

1.      Quel est le réflexe à avoir en amont pour protéger ses droits sur ses créations ?

‍La base de la base, c’est de conserver des preuves de la date de vos créations. Car en cas de litige, la première chose que va faire le contrefacteur, c’est vous demander des preuves de création et contester l’antériorité. Autrement dit, il va prétendre que c’est lui qui a créé l’œuvre en premier. Donc, ménagez-vous des preuves. C’est simple, d’autant que vous avez plein de solutions envisageables :

L’enveloppe e-Soleau :

Vous n’avez pas beaucoup de moyens ? Déposez une enveloppe e-Soleau. C’est pas cher (à partir de 15 €) et c’est un service officiel rendu par l’INPI. Les conditions pour le dépôt sur Internet sont plus souples qu’avant. Dans le monde d’avant (il n’y a pas si longtemps), on déposait des enveloppes Soleau en format papier avec sept feuillets maximum, je ne vous raconte pas la galère ! Aujourd’hui, c’est simple on peut déposer tranquillement un grand nombre de fichiers de chez soi,24h/24, 7j/7. Ce serait dommage de ne pas en profiter !

Attention toutefois : l’enveloppe e-Soleau n’est pas un dépôt de dessin ou modèle ! Il s’agit juste d’un moyen de preuve pour dater tel document à telle date. En cas de litige, cela peut être utile pour démontrer que vous êtes bien l’auteur d’une création.

Le dépôt auprès d’un Huissier de Justice :

Si vous avez beaucoup de créations à dater et/ou que la durée des enveloppes e-Soleau est trop limitée (5 ans renouvelables une fois, soit 10 ans maximum), faites un dépôt auprès d’un Huissier de Justice. Les tarifs ne sont pas très élevés, mais demandez quand même un devis au préalable. Les garanties apportées par un procès-verbal d’huissier sont très appréciables : ils ont valeur authentique et valent jusqu’à inscription de faux et les constatations font foi jusqu’à preuve du contraire en matière civile. Ils constituent souvent des preuves clés lors d’un procès.

L’horodatage des créations :

Alternativement, vous pouvez faire horodater vos créations, notamment via la technologie de la blockchain. Même s’il existe encore des débats sur les garanties juridiques relatives à ce mode de preuve, les tarifs sont généralement attractifs et adaptés si vous avez des gros volumes de documents à dater. Il faut donc se renseigner pour choisir un prestataire de confiance !

Pour en savoir plus, écoutez notre épisode de podcast : Dater et protéger ses créations avec la blockchain.

Autres solutions :

D’autres solutions existent et, pour ainsi dire, il n’y a pas de limite : du moment que les éléments de preuves sont fiables, l’objectif est atteint :

  • Certains s’envoient par exemple des lettres recommandées. C’est possible mais quand même, au XXIe siècle, il y a mieux que ce mode de preuve un peu archaïque et de plus en plus désuet.
  • L’envoi d’un e-mail peut aussi donner une date à vos fichiers, mais en cas de litige, il faudra démontrer la date certaine de votre email, ce qui n’est pas toujours évident.

Bref, il faut être pragmatique. Mais s’il y a des enjeux, privilégiez les solutions officielles et les plus fiables.

Le sujet vous intéresse ? Découvrez notre vidéo : Comment dater ses créations ? 5 méthodes pratiques.

2.     Est-ce qu’il est utile de déposer des dessins et modèles ?

Il faut d’abord se demander si votre création est éligible à la protection par le droit des dessins et modèles. Par définition, sont notamment exclues les œuvres musicales ou audiovisuelles, car ce ne sont ni des dessins, ni des modèles. Logique non ?

Si vos créations entrent dans le champ de protection, il est fortement recommandé de déposer des dessins et modèles dès que vous le pouvez. La protection par le droit des dessins et modèles est « designée » pour protéger le design ! Plus efficace que le droit d’auteur dans bien des cas, c’est souvent la porte de salut pour protéger efficacement vos créations ! Quand vous serez contrefait, il sera trop tard pour y penser.

Alors, renseignez-vous et déposez vos créations à titre de dessins et modèles. Là encore, il existe des solutions pour arriver à l’optimum coût / efficacité. Par exemple, si vous n’avez pas le sou, commencez par déposer des dessins ou modèles simplifiés en France et allez chercher les aides mises en place pour les PME.

3.     Et dans les contrats, quelles sont vos recommandations pour bien protéger ses créations ?

Il y a deux points importants en matière contractuelle :

Protéger la confidentialité de vos créations dans les relations avec vos partenaires

On n’est jamais trop prudent. Certes, l’honnêteté existe dans la vie des affaires. Toutefois, il ne faut pas être naïf. Le vol d’idée ou l’imitation de modèles ne sont malheureusement pas des cas d’école. Et c’est toujours lorsque les créateurs n’ont pas pris des mesures en amont pour se protéger que les personnes mal intentionnées en profitent.

Donc soyez sur vos gardes et protégez-vous. Lorsque que vous allez à un rendez-vous et que vous voulez divulguer un nouveau modèle, faites-vous confirmer en amont que les échanges seront confidentiels par oral et par écrit daté. Et, si cela est possible et se justifie, faites signer le fameux « NDA : non disclosure agreement », ou accord de confidentialité. C’est simple, usuel et protecteur. Et si vous êtes gêné de faire un signer un tel document, dites-vous que c’est peut-être justement parce que votre potentiel partenaire n’est pas fiable…

Vous n'avez pas tout compris ? Ça tombe bien, on a créé une fiche pratique sur le sujet : Tout ce qu'il faut savoir sur l'accord de confidentialité.

Mettre les bonnes clauses dans vos contrats

Dernière recommandation de pur bon sens : veillez à peaufiner les clauses de vos contrats avec vos partenaires, même si votre relation est basée sur la confiance. Tout peut basculer le jour où un conflit surgit si vous n’avez pas anticipé en amont les problèmes.

Lorsque tout va bien, on a souvent tendance à se dire qu’il n’y pas besoin d’alourdir les relations par la signature d’un contrat rébarbatif. Mais c’est justement lorsque tout va bien qu’il faut coucher par écrit ce sur quoi tout le monde est d’accord, pour que tout se passe le moins mal possible lorsque rien ne va plus.

Conditions générales de vente (CGV), contrats de cession de droits d’auteur, mentions sur vos factures, contrats de travail avec des prestataires, contrats avec des sous-traitants, contrats de partenariat avec des collègues ou tiers, contrats avec vos clients, etc. Bref, tous les documents qui encadrent ou peuvent encadrer votre travail doivent être rédigés, relus attentivement et signés au bon moment.

Sur le contrat de cession de droits d'auteur, consultez nos contenus dédiés : article pour bien se protéger, infographie pour bien rédiger votre clause de cession de droits d'auteur et épisode de podcast pour tout comprendre !

Désormais, vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas… Vous êtes prévenus ! Alors retroussez vos manches et protégez efficacement vos droits !

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Et n’oubliez pas ! Chaque situation est unique, chaque cas comporte des spécificités qui entraînent une application du droit individualisée. Les informations communiquées sur la plateforme Creatricks sont d’ordre général et ne remplacent pas un conseil personnalisé. En cas de doute, n’hésitez pas à vous rapprocher d’un avocat.

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