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Divorce ou Séparation et Droit d'Auteur : quelles incidences ?

Divorce ou séparation : à qui appartient l’œuvre créée durant l’union ?

Par François Chassin
Publié le 22/04/22

Vous êtes un auteur, un créateur, un artiste ou encore un designer à succès. Tout vous sourit sur le plan professionnel et artistique. Mais ce n’est malheureusement pas le cas de votre vie privée : vous êtes en pleine séparation ou divorce d’avec votre conjoint(e) ! Parmi la multitude de questions que vous vous posez, une interrogation légitime et importante s’impose à vous : À qui appartient l’œuvre que j’ai créée durant l’union ? Est-elle à moi ou est-elle la propriété du couple ? Suis-je légalement obligé(e) de partager l’œuvre d’une vie avec celle ou celui qui fut, au moins pour un temps, « l’amour de ma vie » ? Divorce ou séparation et droit d’auteur : Creatricks vous explique toutes les incidences sur la propriété de l’œuvre créée durant l’union.

Divorce ou séparation de l’auteur : les droits patrimoniaux et moraux sur l’œuvre

Il est nécessaire de savoir que les droits de propriété littéraire et artistique sur une œuvre se composent de droits moraux et de droits patrimoniaux. En cas de divorce ou de séparation, leurs traitements sont différents.

Pour savoir si votre œuvre est protégée par le droit d’auteur, lisez notre article : L’originalité en droit d’auteur : le critère de protection.

Qu’est-ce que le droit moral ?

Aux yeux de la loi, le droit moral est le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Il comprend plusieurs prérogatives, raison pour laquelle on parle souvent aussi de « droits moraux », au pluriel :

  • le droit de divulguer l’œuvre, et notamment le procédé de divulgation et les conditions de celle-ci ;
  • le droit à la paternité, c’est-à-dire le droit d’exiger que son nom et sa qualité d’auteur soit mentionnés lors de la reproduction ou de la communication de l’œuvre au public ;
  • le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre, c’est-à-dire le droit de s’opposer à toute dénaturation de son œuvre ;
  • et même un droit de repentir ou de retrait - très rarement utilisé en pratique d’autant qu’il implique d’indemniser le cessionnaire des droits patrimoniaux !

Les droits moraux sont personnels et fondamentalement attachés à l’auteur de l’œuvre, comme le rappellent les articles L 121-1 et 121-9 du Code de la propriété intellectuelle. Ils ne peuvent être cédés ni partagés. La loi interdit même que des clauses d’un contrat de mariage puissent déroger à cette règle !

Votre futur ex-conjoint ne peut donc pas, même si l’œuvre a été créée durant le mariage, décider de divulguer votre œuvre au public.

De même, le droit moral vous autorise à fixer les conditions de l’exploitation de cette œuvre, pour que son intégrité soit respectée, et votre conjoint n’a pas son mot à dire sur ce point.

En revanche, qui dit exploitation de l’œuvre dit bien souvent retombées financières, et c’est sur ce point que vous devez être prudent et averti.

À ce propos, qu’est-ce que les droits patrimoniaux ?

Les droits patrimoniaux correspondent aux droits qui permettent d’exploiter l’œuvre sur le plan économique. Ce sont eux qui permettent d’assurer des retombées financières issues de l’exploitation de l’œuvre, du fait notamment de sa reproduction, de sa représentation ou communication au public ou de sa distribution. Ce sont les droits patrimoniaux qui représentent tout l’enjeu lors d’une séparation ou d’un divorce.

Vous ne comprenez rien au charabia du droit d'auteur ? Ça tombe bien, on a publié pour vous un petit lexique des termes du droit d'auteur ! On vous y explique plus précisément ce que sont les droit patrimoniaux et moraux de l'auteur.

Divorce ou séparation : suis-je obligé de partager mes droits d’auteur avec mon conjoint ?

Si vous êtes marié, la réponse est fonction du régime matrimonial applicable à votre mariage. La situation diffère si vous êtes pacsé ou en concubinage.

Divorce et droit d’auteur : le mariage sous le régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts

C’est le régime matrimonial le plus fréquent en France, qui s’applique par défaut si vous n’avez pas fait d’autre choix au moment du mariage.

Les droits patrimoniaux sur l’œuvre

Si vous êtes marié sous le régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts, vous pouvez être amené à partager les droits patrimoniaux avec votre conjoint.

En effet, la communauté du mariage se compose de tous les biens acquis par les époux durant l’union (biens immobiliers, biens meubles, produits financiers, revenus, etc.), et donc y compris les droits patrimoniaux attachés aux œuvres créées pendant le mariage.

Ainsi, s’agissant de l’œuvre que vous avez créée pendant le mariage, les droits patrimoniaux découlant de l’œuvre sont communs.

Les revenus tirés de l’exploitation de l’œuvre sont donc communs. Au moment du divorce, ces gains devront être partagés par moitié avec votre conjoint, comme les autres éléments d’actif de la communauté (bien immobilier, voiture, placements financiers, etc.).

En revanche, les droits patrimoniaux sur les œuvres créées avant le mariage ne tombent pas dans la communauté. De même, les droits moraux sur les œuvres créées pendant le mariage ne sont pas communs, puisque, rappelez-vous, ils sont fondamentalement attachés à la personne de l’auteur.

Le support matériel de l’œuvre

En droit d’auteur, il faut bien distinguer entre l’œuvre de l’esprit, qui est un bien immatériel, et son support matériel sur lequel elle est reproduite. Par exemple, un poème constitué par la disposition et le choix de mots – c’est l’œuvre de l’esprit, peut être reproduit sur de multiples supports physiques, comme des livres – ce sont les supports matériels.

La propriété intellectuelle régit les droits sur les œuvres de l’esprit, sur les biens intellectuels, immatériels. La propriété des supports matériels (votre livre acheté à la Fnac, votre tirage photo encadré, etc.) est régie par les règles classiques du droit de propriété des objets matériels que vous utilisez tous les jours.

Dans le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, l’objet matériel (un tableau, un tirage photographique, une sculpture, etc.) qui reproduit une œuvre de l’esprit est également un bien commun si cette œuvre a été créée pendant l’union.

Elle doit donc être valorisée au moment du divorce car elle fait partie de l’actif de la communauté.

Les droits moraux

Comme nous l’avons vu, les droits moraux restent votre pleine et entière propriété.

Bonne nouvelle : le droit moral est votre joker qui vous permettra de vous faire attribuer le support matériel de l’œuvre au moment du partage, à charge pour vous de verser une indemnité à votre conjoint. En d’autres termes, votre futur ex-époux(se) ne pourra pas réclamer l’attribution de vos œuvres lors du partage de la communauté. Elles vous sont exclusivement réservées.

Ce principe s’applique également aux œuvres que vous n’auriez pas divulguées (ex : esquisses, dessins inachevés, etc.). Ces œuvres créées durant l’union appartiennent à la communauté et doivent donc faire l’objet d’un partage au moment de la séparation des époux. Le droit moral vous permet ici encore d’actionner une option (attribution de l’œuvre, modification voire destruction).

Divorce et droit d’auteur : le mariage sous le régime de la communauté universelle

Si vous êtes marié sous le régime de la communauté universelle, vous avez décidé avec votre conjoint de placer en communauté tous les biens présents et à venir qui sont dans les patrimoines de chacun de vous.

Il n’y a donc plus qu’un seul patrimoine commun et les patrimoines propres à chacun des époux disparaissent. À noter qu’avec le régime légal de la communauté d’acquêts vu ci-dessus, seuls les biens acquis après la célébration du mariage sont communs.

Ce régime est proche du précédent concernant les œuvres protégées par le droit d’auteur. Le droit moral est exclusivement attaché à la personne de l’auteur et il n’entre donc pas en communauté. Il reste propre à son auteur.

En revanche, les droits patrimoniaux et l’objet matériel qui reproduit l’œuvre sur un support physique sont communs, même si l’œuvre a été créée avant l’union.

Divorce et droit d’auteur : le mariage sous le régime de la séparation des biens

Si vous êtes marié sous le régime de la séparation des biens, la situation est beaucoup plus simple et protectrice pour vous.

Dans ce régime, les deux patrimoines des époux demeurent séparés et chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens. Ainsi, s’agissant des droits patrimoniaux sur l’œuvre, les revenus provenant de votre œuvre demeurent propres, puisque l’œuvre créée durant le mariage est un bien qui vous est personnel.

Attention toutefois, toute personne mariée doit contribuer aux charges du ménage en fonction de ses capacités. Dès lors, si l’exploitation de votre œuvre génère des revenus, vous devez utiliser ces revenus pour les besoins du ménage avant de les consacrer à des besoins personnels.

Au moment du divorce, votre conjoint ne pourra donc faire valoir des droits ni sur l’objet matériel qui reproduit votre œuvre ni sur les droits patrimoniaux issus de l’exploitation de l’œuvre.

Séparation et droit d’auteur : le pacs

Si vous êtes pacsé, le régime légal prévoit que chaque partenaire demeure propriétaire des biens qu’il acquiert durant la vie du pacte.

Lors de la dissolution du pacte, il n’y a donc pas de partage, sauf pour les biens acquis à deux.

Vous demeurez ainsi propriétaire de l’œuvre (droit moral, droits patrimoniaux) de même que de l’objet matériel qui en est le support.

Séparation et droit d’auteur : le concubinage

Cela peut paraître évident, mais autant le préciser : en cas de séparation de concubins, chacun reste propriétaire de ses biens. L’œuvre que vous avez créée pendant le concubinage vous appartient donc en totalité.

Sauvegarder la preuve de la paternité de l’œuvre créée pendant l’union

Au-delà de ces principes, il faut également avoir à l’esprit un point essentiel en pratique : il faut vous ménager la preuve que vous êtes le créateur de l’œuvre. À défaut, des questions peuvent se poser sur la véritable paternité de l’œuvre.

Car une œuvre peut aussi être réalisée par plusieurs auteurs (par exemple par deux conjoints). Dans ce cas, l’œuvre pourrait être qualifiée de collaboration. Celle-ci serait alors la propriété commune des coauteurs, ce qui impliquerait l’exercice par les coauteurs de leurs droits d'un commun accord. Autant vous dire que cela n’est pas toujours chose facile, surtout lorsqu’on est séparé et divorcé…

Là encore, il faut donc anticiper pour éviter les soucis, en conservant la preuve de votre qualité d’auteur.

Il existe plusieurs façons de préserver la preuve de votre paternité, tout comme la date de création de vos œuvres. Consultez notre vidéo : Comment dater ses créations : 5 méthodes pratiques.

En conclusion, si vous êtes tenté par l’aventure du mariage, il est hautement préférable sur le plan juridique d’opter pour le régime matrimonial de la séparation des biens, pour protéger vos intérêts. Lorsqu’on se marie, personne ne souhaite penser au divorce. Mais malheureusement, cela arrive et il vaut mieux avoir anticipé. En signant un contrat chez un notaire, vous assurez la protection de vos créations en cas de séparation. Avec le régime de la séparation des biens, vous demeurez seul et unique propriétaire des droits d’auteur sur vos œuvres, même si elles ont été créées pendant l’union.

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Et n’oubliez pas ! Chaque situation est unique, chaque cas comporte des spécificités qui entraînent une application du droit individualisée. Les informations communiquées sur la plateforme Creatricks sont d’ordre général et ne remplacent pas un conseil personnalisé. En cas de doute, n’hésitez pas à vous rapprocher d’un avocat.

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