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Artiste Auteur : Qui Cotise ? Sur Quels Revenus ?

Qui est concerné par le régime social des artistes auteurs ? Sur quels revenus ?

Par Stéphanie Le Cam
Publié le 28/03/24

Relevez-vous du régime social des artistes-auteurs ? Telle est la question ! Si vous êtes artiste, créateur ou auteur, il est fort probable que ce soit le cas. Mais ce n’est pas certain ! Car ce n’est pas parce que vous êtes titulaire de droits d’auteur sur vos œuvres que cela veut dire que vous dépendez automatiquement du régime social des artistes-auteurs ! Ce n’est pas très logique, on en convient… Mais la protection des auteurs et de leurs œuvres (propriété intellectuelle) et le droit de la Sécurité sociale, ce sont deux choses différentes. La loi fixe des critères précis, encadrant le régime social des artistes-auteurs. Alors, artiste-auteur : qui cotise ? Sur quels revenus ? Avec cette fiche pratique, Creatricks vous guide à travers le labyrinthe du droit français. Accrochez-vous, c’est parti !

De quand date le régime des « artistes-auteurs » ?

De 1975 ! L’objectif du législateur en 1975 était de remplacer les régimes hétérogènes et complexes par un système unifié, simple et plus protecteur. Depuis sa création, le régime « artistes-auteurs » regroupe l’ensemble des auteurs du secteur littéraire artistique et est rattaché au régime général de la Sécurité sociale. Les artistes concernés par ce régime sont spécifiquement listés dans les articles L. 382-1 et R. 382-1 du Code de la Sécurité sociale.

Il s’agit d’un régime particulier, car avec ce rattachement à la Sécurité sociale, les auteurs indépendants sont assimilés aux salariés. De même, les diffuseurs et exploitants d’œuvres de l’esprit sont assimilés à des employeurs, afin de justifier l’obligation qui leur incombe de participer au financement du régime. Toutefois, leurs contributions sociales ne sont pas aussi importantes que celles qui incombent aux employeurs de droit privé (charges patronales).

Attention : l’existence d’un régime de protection sociale spécial, à côté du régime général (tout en y étant rattaché…) et du régime de protection sociale réservé aux travailleurs indépendants peut être à l’origine de confusion et d’incompréhension.

Soyez vigilants, car tous les auteurs ne sont pas obligatoirement rattachés au régime « artistes-auteurs ». D’autres statuts existent et certaines situations entraînent l’application de régimes propres.

En résumé, d’autres statuts sont possibles et dissociables :

  • certains auteurs sont rattachés au régime général directement parce qu’ils sont salariés ;
  • certains auteurs indépendants sont par exception exclus du régime des artistes-auteurs, car ils ne répondent pas aux conditions que nous allons vous présenter maintenant. Le Code de la Sécurité sociale prévoit alors de les protéger autrement : l’« artiste non mentionné à l’article L. 382-1 » relève des régimes des travailleurs non salariés, comme celui des professions libérales.

Il est possible de cumuler les statuts.

Dans cette fiche pratique, nous vous présentons uniquement le régime des « artistes-auteurs » prévu aux articles L. 382-1 et suivants du Code de la Sécurité sociale.

Pour connaître les différents statuts possibles pour les activités de création, lisez notre fiche pratique : Choisir un statut juridique pour exercer une activité créative freelance.

Réforme du régime « artistes-auteurs »

Vous devez prendre en compte que le régime des artistes-auteurs a subi d’importantes réformes au cours des dernières années, ce qui peut compliquer sa bonne compréhension aujourd’hui.

Longtemps, sa gestion était confiée :

  1. à la Maison des artistes pour la gestion des seuls artistes visuels ;
  2. et à l’Association pour la gestion de la Sécurité sociale des auteurs (Agessa) pour les quatre autres branches d’activités, à savoir : écrivains, auteurs et compositeurs de musique, cinéma et télévision, et photographie.

Par la suite, des dysfonctionnements importants au sein de l’Agessa ont été révélés : l’organisme n’avait pas appelé les artistes-auteurs et autrices à cotiser pour leur retraite de base. Le législateur a alors décidé de réduire les pouvoirs qui étaient attribués à ces deux organismes en procédant au transfert de la compétence de recouvrement des cotisations sociales à l’Urssaf Limousin.

Le décret n° 2020-1095 du 28 août 2020 a réformé le régime des artistes auteurs, notamment en élargissant son champ d’application.

Enfin, récemment, la 2S2A « Sécurité Sociale des Artistes Auteurs » a été créée, qui n’est finalement qu’une fusion qui ne dit pas son nom, de l’Agessa et de la Maison des artistes.

Qui est concerné par le régime « artistes-auteurs » ?

La distinction entre l’assujettissement et l’affiliation était auparavant essentielle pour comprendre le régime « artistes-auteurs ». L’assujettissement concernait toutes les personnes tenues de cotiser au régime en raison de leur activité d’artiste-auteur. L’affiliation, quant à elle, était atteinte lorsque l’artiste-auteur dépassait un seuil de rémunération, lui permettant d’accéder aux prestations sociales.

Depuis le 1er janvier 2019, la différence entre « assujettis » et « affiliés » a disparu, mais dans les faits, l’ancien seuil d’affiliation est maintenant appelé assiette forfaitaire.

Les artistes-auteurs doivent toujours justifier d’avoir tiré de leur activité artistique des ressources au moins égales à 600 SMIC horaires pour bénéficier des prestations d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès.

En résumé, tous les artistes-auteurs cotisent obligatoirement lorsqu’ils perçoivent un revenu artistique, mais seule une partie d’entre eux accède à la protection du régime, lorsque les revenus atteignent le seuil minimum.

Qui cotise au régime des artistes-auteurs ?

Pour relever du régime « artistes-auteurs », l’auteur doit être un résident fiscal en France et tirer un revenu (1er critère) d’une activité de création (2e critère) relevant de l’une des cinq branches visées à l’article R. 382-1 du Code de la Sécurité sociale (3critère) exercée en toute indépendance (4critère).

1. Premier critère : tirer un revenu « artistique »

Le décret du 28 août 2020 a profondément réformé la notion de « revenus artistiques ». Il introduit deux nouveaux articles au sein du Code de la Sécurité sociale. L’article R. 382-1-1 traite des revenus principaux et l’article R. 382-1-2 traite des revenus accessoires.

Nous ne pouvons pas faire autrement que de citer les articles en question. C’est un peu indigeste, c’est vrai… Mais ne vous inquiétez pas, pour que ce soit un peu plus clair, nous insérons des précisions et explications.

a. Revenus principaux

Ce sont les revenus versés en contrepartie de la conception ou de la création, de l’utilisation ou de la diffusion d’une œuvre (jusqu’ici, ça va 😊). Ils proviennent de :

  1. la vente ou la location d’œuvres originales mentionnées à l’article R. 382-1, y compris les recettes issues de la recherche de financement participatif en contrepartie d’une œuvre de valeur équivalente (cliquez sur le lien pour lire la liste de l’article R. 382-1, il est assez clair et facile à comprendre !) ;
  2. la vente d’exemplaires de son œuvre par l’artiste-auteur qui en assure lui-même la reproduction ou la diffusion, ou lorsqu’il est lié à une personne mentionnée à l’article L. 382-4 (c’est-à-dire à « toute personne physique ou morale, y compris l’État et les autres collectivités publiques, qui procède, à titre principal ou à titre accessoire, à la diffusion ou à l’exploitation commerciale d’œuvres originales relevant des arts mentionnés par le présent chapitre ») par un contrat à compte d’auteur prévu à l’article L. 132-2 du Code de la propriété intellectuelle ou par un contrat à compte à demi prévu à l’article L. 132-3 du même code ;
  3. l’exercice ou la cession de droits d’auteurs prévus aux livres I et III du même code ;
  4. l’attribution de bourse de recherche, de création ou de production avec pour objet unique la conception, la réalisation d’une œuvre ou la réalisation d’une exposition, la participation à un concours ou la réponse à des commandes et appels à projets publics ou privés ;
  5. les résidences de conception ou de production d’œuvres, dans les conditions fixées par arrêté pris par l’instruction interministérielle N° DSS/5B/DGCA/2023/6 du 12 janvier 2023 ;
  6. la lecture publique de son œuvre, la présentation d’une ou plusieurs de ses œuvres, la présentation de son processus de création lors de rencontres publiques et débats ou une activité de dédicace assortie de la création d’une œuvre ;
  7. la remise d’un prix ou d’une récompense pour son œuvre ;
  8. un travail de sélection ou de présélection en vue de l’attribution d’un prix ou d’une récompense à un artiste-auteur pour une ou plusieurs de ses œuvres ;
  9. la conception et l’animation d’une collection éditoriale originale.

b. Revenus accessoires

Constituent des revenus accessoires d’une des activités définies à l’article R. 382-1, dans les limites définies au II, les revenus provenant :

  1. Des cours donnés dans l’atelier ou le studio de l’artiste-auteur, d’ateliers artistiques ou d’écriture et de la transmission du savoir de l’artiste-auteur à ses pairs, lorsque ces activités ne sont pas exercées dans les conditions mentionnées à l’article L. 311-2 (autrement dit, lorsque les activités ne sont pas salariées).
  2. De sa participation à des rencontres publiques et débats entrant dans le champ d’activité de l’artiste-auteur dès lors qu’il n’y réalise pas l’une des activités mentionnées au 6° de l’article R. 382-1-1 (autrement dit, il ne doit pas s’agir de lecture publique de votre œuvre, de la présentation d’une ou plusieurs de vos œuvres, de la présentation de votre processus de création lors de rencontres publiques et débats ou d’une activité de dédicace assortie de la création de votre œuvre, mentionnées au-dessus, qui constituent des revenus principaux) ;
  3. Des participations à la conception, au développement ou à la mise en forme de l’œuvre d’un autre artiste-auteur qui ne constituent pas un acte de création originale au sens du livre I du code de la propriété intellectuelle (donc qui n’emportent pas de protection par le droit d’auteur) ;
  4. De la représentation par l’artiste-auteur de son champ professionnel dans les instances de gouvernance mentionnées au sixième alinéa de l’article L. 382-1 du présent code et à l’article R. 6331-64 du Code du travail (organisations syndicales, professionnelles, de gestion de collective de droits, etc.).

Ces revenus accessoires sont intégrés à l’assiette des revenus dans la limite de 1 200 fois la valeur horaire du SMIC en vigueur le 1er janvier de l’année civile considérée (soit 13 980 euros en 2024).

Au-delà de cette limite, ces revenus sont soumis au premier euro aux cotisations et contributions de sécurité sociale, selon leur nature :

  • en tant que bénéfices industriels et commerciaux (micro-BIC) pour une activité commerciale, industrielle ou artisanale ;
  • ou bénéfices non commerciaux (micro-BNC) pour une activité non commerciale (libérale notamment).

2. Deuxième critère : exercer une activité de création

La notion « d’œuvre de l’esprit » qui existe dans le Code de la propriété intellectuelle pour définir les œuvres protégeables par le droit d’auteur n’est pas reprise en tant que telle par le Code de la Sécurité sociale. Les définitions ne sont pas les mêmes, attention de ne pas les confondre !

Pourtant, les revenus tirés de l’activité d’artiste-auteur qui sont soumis aux cotisations du régime « artistes-auteurs » impliquent a priori la création d’une œuvre de l’esprit !

L’article L. 382-1 du Code de la Sécurité sociale vise expressément :

« les artistes auteurs d’œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques et plastiques, ainsi que photographiques ».

La loi fait ici clairement référence au genre de l’œuvre, ce qui n’est pas le cas en droit d’auteur.

La notion d’œuvre est donc plus stricte en droit de la Sécurité sociale, car elle tient compte du genre, de la forme d’expression et de la destination de l’œuvre.

Cela a pour conséquence d’exclure certains auteurs du régime « artistes-auteurs », alors qu’ils peuvent pourtant être titulaires de droits d’auteur.

D’où l’exigence d’un troisième critère : l’appartenance à une des cinq branches d’activité…

3. Troisième critère : le rattachement à une branche

En vertu de l’article R. 382-1 du Code de la Sécurité sociale, sont assujetties au régime « artistes-auteurs » les personnes dont l’activité se rattache à l’une des branches suivantes : la branche des écrivains (a), la branche des auteurs et compositeurs de musique (b), la branche des arts graphiques et plastiques (c), la branche du cinéma et de la télévision (d) et la branche de la photographie (e).

Nous vous expliquons ce que contiennent ces cinq branches :

a. La branche des écrivains

Qui est inclus ?

L’article R. 382-1 du Code de la Sécurité sociale prévoit désormais que la branche des écrivains regroupe :

  • les auteurs de livres, brochures et autres écrits littéraires et scientifiques ;
  • les auteurs d’œuvres dramatiques ;
  • les auteurs de traductions, adaptations et illustrations des œuvres précitées ;
  • les auteurs de logiciels originaux.

La liste des auteurs rattachés à la branche des écrivains n’est, semble-t-il, pas exhaustive, puisque la 2S2A prévoit en plus une fiche pratique sur son site pour préciser l’étendue de la branche. Sont ainsi éligibles :

  • les auteurs d’œuvres de même nature, enregistrées sur un support matériel autre que l’écrit ou le livre ;
  • les préfaciers et annotateurs, ainsi que les rédacteurs d’articles de fond publiés dans le cadre d’éditions collectives (dictionnaires, encyclopédies, guides, revues littéraires ou scientifiques, catalogues d’exposition…) ;
  • les auteurs d’anthologies, autres que de simples compilations ;
  • les directeurs de collection pour la conception et l’animation d’une collection éditoriale originale ;
  • les auteurs autoédités ;
  • les collaborateurs occasionnels qui fournissent des articles ou illustrations pour la presse.
Qui est exclu ?
  • des « personnes ayant eu l’idée d’une œuvre, mais qui n’ont pas participé à sa réalisation » ou des « apporteurs d’idées » ;
  • des « journalistes professionnels et assimilés, qu’ils aient ou non une carte de presse, à l’exception de ceux percevant des droits d’auteur au titre de la réutilisation de leurs œuvres dans le cadre des accords Hadopi » ;
  • les « documentalistes et les personnes qui se consacrent à la recherche iconographique, sans participer à l’écriture ou au développement du texte qu’elles sont chargées d’illustrer » ;
  • les « lecteurs et conseillers, c’est-à-dire les personnes qui ont pour fonction de lire un manuscrit et de donner un avis (écrit ou verbal) sur l’opportunité de la publication » ;
  • les « correcteurs, c’est-à-dire les personnes qui effectuent la vérification typographique d’épreuves et assurent le respect de la ponctuation, de la syntaxe et de l’orthographe (en principe salariés et bénéficiaires de la convention collective de l’édition) » ;
  • les « personnes dont le travail régulier consiste à réviser, pour un même éditeur, un ensemble de textes à publier » ;
  • les « intervenants dans le domaine de la formation professionnelle » ;
  • les « animateurs culturels et les écrivains qui participent à des activités d’enseignement ».
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FOCUS : Les auteurs autoédités

Avant l’entrée en vigueur du décret du 28 août 2020, l’auteur devait obligatoirement être rémunéré en droit d’auteur et être titulaire d’un contrat d’édition.

Les rémunérations perçues par un auteur autoédité, à compte d’auteur et engagés dans un contrat de compte à demi n’étaient donc pas soumises aux cotisations du régime « artistes-auteurs ».

Ils font désormais partie du régime et déclarent leurs revenus artistiques comme tous les autres artistes-auteurs.

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FOCUS : Les directeurs de collection

Avant que le décret du 28 août 2020 n’intervienne, le cas des directeurs de collection soulevait beaucoup de questions.

L’Agessa considérait que ceux dont le niveau de participation intellectuelle à la création des œuvres était suffisamment établi pouvaient être rattachés au régime « artistes-auteurs ».

Dorénavant, ils le sont à la condition qu’ils participent à la conception et à l’animation d’une collection éditoriale originale.

En dépit de décisions jurisprudentielles claires refusant de reconnaître la qualité d’auteur aux directeurs de collection (Cass. 2e civ., 10 oct. 2019 et CE 21 oct. 2019), le décret du 28 août 2020 a intégré la rémunération de cette catégorie de travailleurs dans les revenus artistiques principaux pouvant être soumis aux cotisations sociales du régime artistes-auteurs.

Il reste toutefois un risque de redressement social dès lors que dans les faits, le directeur de collection payé en droits d’auteur occupe un poste présageant un lien de subordination (critère du salariat). Le décret ne suffira donc pas à protéger les éditeurs qui déclareront à tort des rémunérations au régime « artistes-auteurs », alors qu’ils auraient dû les déclarer en tant que salaires tombant dans l’assiette du régime général (lequel est accessoirement plus coûteux).

b. La branche des auteurs et compositeurs de musique

Qui est inclus ?

L’article R. 382-1 du Code de la Sécurité sociale prévoit que la branche des auteurs et compositeurs de musique inclut :

  • les auteurs de composition musicale avec ou sans paroles ;
  • les auteurs d’œuvres chorégraphiques et pantomimes.

La 2S2A y intègre aussi :

  • « les paroliers » ;
  • « les auteurs d’adaptations ou d’arrangements qui mettent en évidence une part de création et ne relèvent pas d’une simple technique d’exécution » ;
  • « les auteurs d’œuvres chorégraphiques et de pantomimes les auteurs notateurs du mouvement qui élaborent la partition d’une œuvre chorégraphique » ;
  • « les auteurs de saynètes, sketches et monologues » ;
  • « les créateurs de numéros et tours de cirque ou de magie dont la mise en scène est fixée par écrit ».

Lorsqu’ils sont indépendants, tous les auteurs et compositeurs de musique sont assujettis au régime « artistes-auteurs ».

Qui est exclu ?

Les fiches pratiques liées à la branche des auteurs-compositeurs de musique prévoient des exclusions. Certaines sont parfaitement justifiées, car la qualité d’auteur au sens du Code de la propriété intellectuelle est tout à fait discutée, tel est le cas :

  • des « copistes » et des « travaux d’adaptation et exécution du matériel d’orchestre (partitions, livrets) » ;
  • des « programmateurs et animateurs d’émissions musicales » ;
  • des artistes du spectacle pour l’exécution matérielle de leur prestation artistique, c’est-à-dire « les personnes qui représentent, chantent, récitent, déclament, jouent ou exécutent de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes (par exemple les arrangeurs-orchestrateurs, les musiciens et artistes-interprètes) ».

La fiche précise que :

« ces personnes reçoivent des salaires (sous la forme de cachets) pendant le temps où leur présence physique est nécessaire à l’exécution ou l’enregistrement de leur interprétation. Elles doivent être déclarées au régime général (Urssaf). Par ailleurs, les artistes-interprètes peuvent bénéficier de “royalties” et de “droits voisins” au titre de la reproduction, de la diffusion ou rediffusion de leur interprétation qui ne relèvent pas du régime social des artistes-auteurs ».

En revanche, d’autres exclusions sont sujettes à discussion, puisque la qualité d’auteur de ces différents intervenants pourrait être admise en droit d’auteur. Ainsi, La 2S2A précise que ne relèvent pas du régime de sécurité sociale des auteurs, notamment :

  • les « maquettistes, costumiers ou stylistes » ;
  • les réalisateurs sonores les « travaux de bruitage » ;
  • les « metteurs en scène » ou les « chorégraphes d’événements qui ne peuvent être définis comme des œuvres dramatiques, lyriques ou chorégraphiques (shows, conventions d’entreprises, défilés de mode…) ».

De telles exclusions questionnent surtout lorsque l’on sait que la qualification d’œuvre a pu être reconnue à la sonorisation d’un défilé de mode (CA Paris, 21 juin 2016) ou à une maquette (CA Paris, ch. 4, 17 mai 1997 : RIDA 1/1998, p. 318).

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FOCUS : Les metteurs en scène

Les metteurs en scène, pour leur travail de création intellectuelle, c’est-à-dire la conception artistique de la mise en scène qui leur confère les droits de propriété intellectuelle, doivent cotiser au régime social des artistes-auteurs.

La rémunération du metteur en scène se compose de deux éléments :

  1. 1. un salaire, « pour l’exécution matérielle de sa mise en scène. Il correspond à la préparation du spectacle, au travail de répétition et de direction des interprètes et techniciens, de la première répétition jusqu’à la première représentation publique » ;
  2. 2. des droits d’auteur « calculés en pourcentage sur les recettes (ou une rémunération forfaitaire, lorsque la rémunération proportionnelle ne peut pas être déterminée) qui constitue le droit de création du metteur en scène au titre de l’exploitation de l’œuvre. C’est généralement la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (Sacd) qui collecte les droits perçus à l’occasion des représentations publiques auprès des théâtres et les répartit au profit de ses membres ».

Les cotisations du régime « artistes-auteurs » ne sont donc calculées que sur la fraction de rémunération assimilée aux droits d’auteur régis par le Code de la propriété intellectuelle.

c. La branche des arts graphiques et plastiques

Qui est inclus ?

Depuis l’entrée en vigueur du décret du 28 août 2020, la branche des arts graphiques et plastiques n’est plus définie selon le périmètre déterminé par le Code général des impôts (CGI), mais selon, notamment, un périmètre prévu par le Code de la propriété intellectuelle.

Elle inclut ainsi :

  • les « auteurs d’œuvres originales, graphiques ou plastiques, mentionnées à l’article R. 122-3 du code de la propriété intellectuelle » ;
  • les « auteurs de scénographies de spectacles vivants, d’expositions ou d’espaces » ;
  • les « auteurs d’œuvres du design pour leurs activités relatives à la création de modèles originaux ».

Une difficulté demeure cependant. Si l’article R. 382-1 du Code de la Sécurité sociale ne vise plus l’article 98 A du CGI, mais l’article R. 122-3 du Code de la propriété intellectuelle, les organismes sociaux continuent parfois à faire quelques références à l’article 98 A lorsqu’ils définissent certaines activités, allant alors jusqu’à nier certaines règles du Code de la propriété intellectuelle !

Qui est exclu ?

Les travaux ou prestations suivants ne sont pas concernés par le régime de sécurité sociale des artistes-auteurs :

  • les « productions de série, les réalisations exécutées à l’unité, mais ne différant les unes des autres que par des détails » ;
  • la « production de pièces utilitaires par nature relevant des métiers et artisanat d’art, indépendamment de leurs caractéristiques techniques (c’est-à-dire : nombre d’exemplaires : pièce unique ou série limitée, mode d’exécution, signature de l’exécutant…), même si elles constituent le support d’une création et remplissent une fonction décorative. Par exemple : poteries, faïences, porcelaines, miroiterie d’art, vitrerie d’art, décorations sur verre, tatouages, soufflage de verre, fonderie d’objets d’art, encadrements, dorure, ébénisterie, ferronnerie d’art, fabrication de luminaires, décorations par émaillage, gravures ciselures d’art, reliures, vannerie, fabrication d’instruments de musique » ;
  • les « travaux exécutés à des fins industrielles » ;
  • les « réalisations qui ne mettent pas en évidence, au-delà d’une simple mise en œuvre de techniques ou d’une mise en valeur de la matière, une prédominance de la création (par exemple dans le domaine de la décoration : les fausses matières, patines…) » ;
  • les « travaux de restauration d’œuvres » ;
  • les « prestations de conseil ou de direction artistique ».
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FOCUS : Les designers

Évolution majeure de la réforme, les œuvres du design relatives à la création de modèles originaux sont désormais prises en compte par le régime social des artistes-auteurs.

Jusque-là, certains auteurs designers parvenaient tout de même à relever du régime social en jouant sur le flou de certaines catégories mises en œuvre par les organismes de gestion (art textile, notamment). Mais globalement, l’ensemble des designers était de facto exclu en raison de la dimension utilitaire de leur art.

L’Alliance française des designers a longuement milité pour que le champ du régime soit étendu. Elle revendiquait notamment, à juste titre, l’existence d’une inégalité sociale au sein des auteurs et d’une concurrence déloyale entre ces derniers du fait de cotisations sociales très différentes entre le régime artistes-auteurs, d’une part, et le régime des travailleurs indépendants, d’autre part.

d. La branche du cinéma et de la télévision

Qui est inclus ?

Initialement, l’article R. 382-1 du Code de la Sécurité sociale prévoyait que la branche du cinéma et de la télévision regroupait les « auteurs d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, quels que soient les procédés d’enregistrement et de diffusion ». Désormais, il vise aussi les « auteurs de traductions, de sous-titres ou d’audiodescriptions ».

Sont éligibles :

  • les « auteurs du scénario et, notamment, de la bible littéraire, de l’arche narrative, du synopsis, du traitement, du séquencier (ou “scène-à-scène”), de la continuité dialoguée, du lissage » ;
  • les « auteurs de l’adaptation, c’est-à-dire qui adaptent une œuvre écrite préexistante pour les besoins de la production cinématographique, audiovisuelle ou radiophonique » ;
  • les « auteurs du texte parlé, les dialoguistes » ;
  • les « auteurs de documentaires » ;
  • les « auteurs des commentaires d’un documentaire » ;
  • les « auteurs des sous-titres de dialogues originaux ou sous-titres pour sourds et malentendants » ;
  • les « auteurs d’audiodescriptions » ;
  • les « auteurs de traductions » ;
  • les « auteurs des compositions musicales (avec ou sans paroles) spécialement réalisées pour l’œuvre » ;
  • les « auteurs de la bible graphique dans le domaine du dessin animé » ;
  • les « réalisateurs » ;
  • les « auteurs de vidéos de création et créations audiovisuelles faites à partir d’images de synthèse ou de graphismes » ;
  • les « auteurs de films d’entreprises (films institutionnels) ».

Lorsque l’œuvre audiovisuelle est tirée d’une œuvre ou d’un scénario préexistants encore protégés, les auteurs de l’œuvre originaire sont assimilés aux auteurs de l’œuvre nouvelle.

Qui est exclu ?

Comme pour les autres branches d’activité, l’organisme de gestion de la Sécurité sociale des artistes-auteurs établit une liste de personnes/activités exclues du régime.

Certaines exclusions sont assez justifiées, car la qualité d’auteur au sens du Code de la propriété intellectuelle est souvent rejetée, tel est le cas pour :

  • les personnes ayant eu l’idée d’une œuvre, mais qui n’ont pas participé à sa réalisation ;
  • les animateurs, les présentateurs, les programmateurs de radio ;
  • les animateurs d’émissions de télévision dites de plateau (les textes de liaison ou de présentation ne sont pas considérés comme des œuvres ayant un caractère d’originalité suffisante pour reconnaître à leur rédacteur la qualité d’auteur) ;
  • les « droits voisins » des droits d’auteur versés aux artistes du spectacle (artiste interprète ou exécutant) c’est-à-dire les personnes qui représentent, chantent, récitent, déclament, jouent ou exécutent de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variété, de cirque ou de marionnettes ;
  • les monteurs, les bruiteurs, les costumiers et stylistes (la qualité d’auteur de ces derniers peut toutefois être discutée).
  • D’autres exclusions sont expliquées par la subordination et/ou le rattachement au régime général des créateurs. L’Agessa vise notamment :
  • les photographes de plateau qui, intervenant dans le cadre d’un service organisé ;
  • les personnes qui ont pour occupation principale, régulière et rétribuée, l’exercice de la profession de journaliste dans une ou plusieurs radios ou télévisions ou au sein d’une société de production audiovisuelle (en particulier celles qui réalisent des reportages et des enquêtes) et qui en tirent le principal de leurs ressources. Ces activités relèvent du régime général de la Sécurité sociale (régime des salariés).
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FOCUS : Les réalisateurs

La rémunération du réalisateur se compose de deux éléments :

  1. 1. un salaire, « destiné à rémunérer l’exécution matérielle de la conception artistique, notamment la collaboration à l’établissement du plan de travail, la recherche et le choix des documents éventuellement nécessaires, le choix des interprètes, la préparation, le tournage, le montage, le mixage et le synchronisme des images et du son et d’une manière générale tous les travaux permettant d’aboutir à l’établissement de l’œuvre définitive » ;
  2. 2. des droits d’auteur qui correspondent à la conception intellectuelle de la mise en scène de l’œuvre et qui sont, par principe, calculés proportionnellement aux recettes d’exploitation de cette œuvre.

Le régime « artistes-auteurs » ne s’applique qu’à la fraction de la rémunération qui est juridiquement qualifiée de droits d’auteur. Comme pour les metteurs en scène, le contrat intervenu avec le producteur doit distinguer ces deux rémunérations, faute de quoi l’intégralité des sommes pourrait être requalifiée en salaire.

e. La branche de la photographie

Qui est inclus ?

L’article R. 382-1 du Code de la Sécurité sociale dispose que :

« entrent dans le champ d’application du régime de sécurité sociale des artistes-auteurs : les auteurs d’œuvres photographiques ou d’œuvres réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie ».

Dorénavant, l’organisme explique que les activités relevant du champ des artistes-auteurs sont facturées :

  • sous forme d’honoraires pour la réalisation de la prise de vues, du reportage (calcul au temps passé, forfait à la journée…) ;
  • et/ou sous forme de droits d’auteur, en contrepartie de l’autorisation d’utiliser l’œuvre réalisée en principe pour une durée, une forme d’exploitation et une destination déterminées.

Ces deux types de rémunérations (ou la rémunération unique, par exemple : photo préexistante donnant lieu à reproduction, expositions photographiques, illustrations pour photothèques, achat d’une œuvre d’art originale photographique) doivent être déclarées auprès du régime social des artistes-auteurs.

Ces deux rémunérations peuvent donner lieu à une facturation unique, car elles constituent toutes deux l’activité du photographe créateur, notamment dans le cadre de l’exécution d’une œuvre de commande.

Qui est exclu ?

Certains photographes ne relèvent pas du régime de sécurité sociale des auteurs, pour des raisons justifiées : ils sont par ailleurs salariés. Tel est le cas :

  • des photographes qui ont la qualité de journaliste professionnel et assimilé au sens de l’article L. 7111-3 du Code du travail. Dans les mêmes conditions que les journalistes professionnels, leur travail peut donner lieu au versement de droits d’auteur en cas de réutilisation de l’œuvre en dehors du cadre du travail ;
  • des photographes salariés ou assimilés qui exercent leur activité sous contrat de travail ou dans des conditions de fait qui déterminent l’existence d’un lien de subordination avec le donneur d’ouvrage (exemple : travail commandé comportant un certain nombre d’instructions, des horaires déterminés, un contrôle du travail).

Nouvelle contradiction de l’organisme de gestion du régime : sont exclus « les artisans qui réalisent des photographies scolaires, de groupe, d’identité ». En revanche, « les photographies de portrait social (photographies originales numérotées et limitées à 30 exemplaires) peuvent relever du champ du régime ». Si toutes les réalisations peuvent potentiellement être protégées et faire de leur créateur un auteur au sens du Code de la propriété intellectuelle, certains parmi eux seront exclus du régime sur la base d’une explication infondée juridiquement.

4. Quatrième critère : l’exercice d’une activité indépendante

L’auteur relèvera du régime « artistes-auteurs » s’il n’est pas en situation de subordination.

Qu’est-ce que le lien de subordination ?

La Cour de cassation a considéré que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir :

  • de déterminer la rémunération ;
  • de donner des ordres et des directives ;
  • d’en contrôler l’exécution ;
  • et de sanctionner les manquements du subordonné.

Les conséquences de l’existence d’un lien de subordination

Lorsque l’auteur n’est pas indépendant et qu’il a été injustement rattaché au régime social des artistes-auteurs, les conséquences sociales sont évidemment nombreuses.

Un reclassement juridique des rémunérations qu’il a touchées sous forme de revenus artistiques pourra par exemple être envisagé.

Du reste, s’il venait à demander une requalification du lien qui l’unit au diffuseur en lien de subordination, l’auteur devenant alors salarié pourrait bénéficier de toutes les dispositions du Code du travail, et par voie de conséquence, de la protection sociale attachée au salariat (prestations sociales du régime général, allocations chômage, accident du travail et maladie professionnelle).

Il semble donc utile de rappeler ici que le contentieux a principalement deux origines :

  1. soit l’auteur demande lui-même la reconnaissance d’un contrat de travail. Souvent il assigne le diffuseur de l’œuvre après que leur collaboration s’est arrêtée. Comme l’arrêt de la collaboration va générer une perte de revenus, l’auteur tentera de voir requalifier ladite collaboration en relation de travail salarié ;
  2. soit le diffuseur (éditeurs, producteurs, exploitants de l’œuvre) est redressé par l’une des Urssaf (en cas d’accident du travail ou alors de manière ponctuelle) dans le cadre de l’activité de son contrôle. Dans ce cas de figure, les redressements peuvent mettre l’entreprise concernée dans une difficulté financière grave, puisque les contrôleurs peuvent potentiellement faire retomber dans l’assiette du régime général toutes les rémunérations versées sous la forme de droits d’auteur à l’ensemble des collaborateurs.

La subordination dans une activité créative

La notion de subordination peine pourtant à s’adapter aux relations de travail de l’auteur, car la singularité de son activité s’accorde mal avec les critères dégagés par la jurisprudence.

Les décisions portant sur des redressements Urssaf sont pourtant régulières et nombreuses.

Il est possible, sans toutefois en établir une liste exhaustive, de mettre en lumière les critères récurrents souvent retenus par les juridictions pour établir le lien de subordination :

  • Collaboration régulière
  • Inscription dans une ligne éditoriale
  • Respect d’un calendrier, de directives
  • Lieu d’exercice
  • Rémunération au forfait
  • Absence de contrat de cession
  • Préexistence d’un lien de subordination
  • Pouvoir de sanction

Voici donc la (longue) liste des conditions et critères pour être affilié au régime social des artistes-auteurs. Rappelons que si votre activité artistique entre dans ces critères, vous êtes dans l’obligation de cotiser au régime social des artistes-auteurs. Et si ce n’est pas le cas, vous relevez soit du régime général des salariés, soit du régime des professions indépendantes. Sachant que vous pouvez cumuler plusieurs régimes.

Dans nos prochaines fiches, nous vous expliquerons :

  • toutes les démarches administratives pour devenir artiste-auteur, ainsi que les formalités déclaratives au fil de l’année ;
  • le fonctionnement des prestations sociales auxquelles vous avez droit ;
  • les avantages et les inconvénients de ce régime ;
  • etc.
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