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Artiste-Auteur : Gestion du Régime et Missions des Organismes

Tout comprendre sur le fonctionnement et la gestion du régime des artistes-auteurs

Par Stéphanie Le Cam
Publié le 10/07/24

Comment fonctionne le régime des artistes-auteurs ? Comment et par qui est-il géré ? Quelles sont les missions des organismes responsables du régime ? Ce sont autant de questions qu’en tant qu’artiste, vous vous posez sûrement. D’autant plus que ces dix dernières années, en raison de dysfonctionnements, plusieurs réformes ont profondément bouleversé son organisation. C’est pourquoi Creatricks vous propose une fiche pratique complète détaillant tout ce qu’il faut savoir sur l’organisation, la gestion et les missions du régime social des artistes-auteurs. C’est parti :

Artiste-Auteur : Gestion du régime

La gestion du régime a connu d’importantes réformes depuis la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 du 30 décembre 2017.

Un premier décret est intervenu le 19 décembre 2018 pour préciser le nouveau mode de désignation des membres du conseil d’administration des organismes chargés du régime des artistes-auteurs. 

Puis, un second décret du 28 août 2020 est venu apporter d’autres modifications quant à la composition du conseil d’administration.

Revenons rapidement sur la manière dont le régime était géré avant, puis présentons la manière dont il fonctionne aujourd’hui. 

Gestion du régime des artistes-auteurs avant les réformes

Composition du conseil

Chaque organisme (Agessa et Maison des artistes) était administré par un conseil d’administration élu pour 6 ans au scrutin de liste, comprenant dix représentants d’artistes-auteurs affiliés et quatre représentants de diffuseurs d’œuvres. 

Ces conseils comprenaient aussi deux personnalités nommées pour 6 ans par arrêté conjoint du ministre chargé de la Sécurité sociale et du ministre chargé de la Culture sur proposition des administrateurs élus.

Siégeaient également au conseil, avec voix consultative : 

  • des représentants de l’État ; 
  • un représentant de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés ;
  • un représentant de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale ;  
  • trois personnalités qualifiées issues d’organismes de gestion collective. 

Le président du conseil d’administration était élu en son sein par le conseil.

Élections

Étaient électeurs pour les conseils d’administration : 

  • les artistes-auteurs affiliés (donc ceux répondant à la condition d’une rémunération annuelle minimum de 900 SMIC horaires) ;
  • les diffuseurs d’œuvres qui ont contribué au titre des dernières années pour un montant total au moins égal à 4 574 €. 

Étaient éligibles au conseil d’administration les électeurs :

  1. âgés d’au moins 18 ans ; 
  2. n’ayant pas fait l’objet, dans les 5 années précédentes, d’une condamnation à une peine correctionnelle ; 
  3. et à condition qu’ils soient à jour de leurs cotisations ou contributions sociales.

Gestion du régime des artistes-auteurs après les réformes

Administration provisoire

Dans le cadre d’un projet de fusion entre la Maison des artistes et l’Agessa qui était envisagé en 2014, le ministère de la Culture a suggéré aux administrateurs en poste de proroger leurs mandats le temps de procéder aux premières réformes structurelles du régime. 

Or, en raison d’une erreur administrative du ministère, la demande de prorogation ayant été réalisée trop tard, le projet de décret a fait l’objet d’un refus du Conseil d’État : « un mandat ne pouvant être prorogé dès lors qu’il est déjà échu » (voir la lettre ouverte à Monsieur Franck Riester, ministre de la Culture, et à Madame Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, du 19 sept. 2019, signée par douze organisations professionnelles sur le site du CAAP).

Les conseillers n’étant donc plus en mesure de siéger légalement, il fallait prendre une décision pour assurer aux associations la possibilité de poursuivre leurs missions normalement. La mise en place d’une administration provisoire a été la solution retenue par le ministère de la Culture. 

Par arrêté du 29 décembre 2014, Monsieur Bernard Billon, nommé administrateur provisoire, a été investi de l’ensemble des pouvoirs dévolus aux conseils d’administration de la Maison des artistes et de l’Agessa. 

Le mandat d’administrateur provisoire devait prendre fin au plus tard le 1er janvier 2016 ou lorsque les élections de nouveaux conseils d’administration seraient organisées. 

Or, faute d’élections, l’administrateur provisoire a été reconduit dans ses fonctions pour une année supplémentaire par arrêté du 14 mars 2016. Puis, il a été remplacé par Madame Anne-Marie Le Guével, inspectrice générale des affaires culturelles, nommée par arrêté du 29 mars 2018.

Ce qui était provisoire a fini par durer… 

Suppression des élections

Fin 2017, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 est venue modifier l’article L. 382-2 du Code de la Sécurité sociale en supprimant le mot « élus ». Ainsi, le mode de désignation des représentants des artistes-auteurs au sein du conseil d’administration des organismes de gestion a changé. 

Un premier décret est intervenu le 19 décembre 2018 pour préciser le nouveau mode de désignation des membres du conseil d’administration des organismes.

L’article R. 382-8 disposait alors qu’un :

« arrêté conjoint du ministre chargé de la Culture et du ministre chargé de la Sécurité sociale désigne, pour une durée de six ans, les organisations professionnelles et syndicales représentant les artistes-auteurs et les personnes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 382-4 qui sont appelées à siéger à ce ou ces conseils d’administration ainsi que la répartition des sièges, en tenant compte des critères mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 6° et 7° de l’article L. 2121-1 du Code du travail ».

Cette désignation ministérielle doit donc prendre en compte les critères de la représentativité mentionnés à l’article L. 2121-1 du Code du travail, lesquels ont été mis en place en 2008 pour la représentativité syndicale.

Nouvelle composition

2020 : le nouvel article R. 382-8 censuré

Un second décret du 28 août 2020 est venu apporter d’autres modifications quant à la composition du conseil d’administration.

Le nouvel article R. 382-8 prévoyait que le conseil d’administration serait composé de :

« seize représentants des artistes-auteurs, cinq représentants des personnes physiques ou morales mentionnées au premier alinéa de l’article L. 382-4 et trois représentants des tiers habilités mentionnés au premier alinéa de l’article R. 382-19 ». 

Autrement dit, les représentants d’organismes de gestion collective, qui n’avaient jusque-là qu’une voix consultative, auraient eu alors une voix délibérative.

Mais un doute est apparu quant au respect du cadre légal prévu par le Code de la Sécurité sociale. Car en effet, l’article L. 382-2 dispose que : 

« Chaque organisme agréé est administré par un conseil d’administration comprenant des représentants des artistes-auteurs affiliés et des représentants des diffuseurs ». 

Donc seules deux catégories de personnes avaient jusque-là des voix délibératives : les représentants artistes-auteurs et les représentants diffuseurs. 

Le Conseil d’État a donc annulé l’article R. 382-8 en ce qu’il constituait un excès de pouvoir.

2021 : l’appel à manifestation d’intérêts

Dans le même temps, le ministère de la Culture a mis en œuvre une enquête de représentativité. Pour procéder à la désignation des représentants des artistes-auteurs et des diffuseurs, le ministère de la Culture a fait un appel à manifestation d’intérêts publié le 31 août 2021. 

L’examen des dossiers de candidatures par la Délégation aux politiques professionnelles et sociales des auteurs et aux politiques de l’emploi devait conduire à la publication d’un arrêté de nomination en décembre 2021, mais aucune désignation n’avait été envisagée jusqu’à l’arrêté du 1er décembre 2022.

L’appel était ouvert « aux organisations professionnelles et syndicales » représentant les artistes-auteurs, lesquelles devaient faire parvenir, avant le 31 octobre 2021, tous les éléments de nature à justifier leur désignation, et « particulièrement tout document permettant l’appréciation des critères énumérés à l’article R. 382-8 du code de la Sécurité sociale, à savoir les critères mentionnés plus haut des 1°, 2°, 3°, 4°, 6° et 7° de l’article L. 2121-1 du code du travail ». 

Il avait pour objet de publier « les modalités pratiques de manifestation d’intérêt qui leur sont offertes et qui sont destinées à permettre à l’autorité chargée de leur désignation de s’assurer que les critères fixés par la réglementation sont vérifiés ».

Les organisations désireuses d’y siéger devaient fournir un dossier de présentation de la structure, composé notamment des derniers comptes de l’organisation, des statuts et de « justificatifs permettant l’appréciation de l’influence de l’organisation ». 

Il était recommandé d’apporter tous les éléments probants permettant de justifier le caractère incontestable des éléments avancés, tels que des éléments sur le nombre d’adhérents et leurs activités, la précision de l’activité et des actions que l’organisation mène pour défendre les intérêts des artistes-auteurs.

2022 : la désignation des organisations professionnelles et syndicales siégeant au conseil d’administration

Après onze mois, la Délégation aux politiques professionnelles et sociales des auteurs et aux politiques de l’emploi a rendu son verdict. 

Au titre des « organisations professionnelles et syndicales », les ministres ont désigné au nom des représentants d’artistes-auteurs :

  • l’Association des traducteurs/adaptateurs de l’audiovisuel ;
  • l’Association des traducteurs littéraires de France ;
  • l’Alliance France design ;
  • la Confédération générale du travail-spectacle (CGT-spectacle) ;
  • le Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et des artistes-autrices ;
  • les Écrivains associés au théâtre ;
  • la Fédération conseil culture communication-Confédération française démocratique du travail (Fédération conseil culture communication-CFDT) ;
  • la Guilde des auteurs-réalisateurs de reportages et de documentaires ;
  • la Guilde des scénaristes ;
  • la Ligue des auteurs professionnels ;
  • les Scénaristes de cinéma associés ;
  • la Société des gens de lettres ;
  • la Société des réalisateurs de films ;
  • le Syndicat national des auteurs-compositeurs ;
  • l’Union des photographes professionnels ;
  • l’Union nationale des auteurs-compositeurs.

Au titre des représentants de diffuseurs, sont nommés :

  • la Chambre syndicale de l’édition musicale ;
  • la Fédération des professionnels de l’art contemporain ;
  • le Syndicat national de l’édition ;
  • l’Union des producteurs de cinéma ;
  • l’Union syndicale de la production audiovisuelle.

Artiste-Auteur : missions des organismes de gestion

Ancienne mission de l’Agessa et de la Maison des artistes

Jusqu’au 1er  janvier 2019, les organismes agréés pour la gestion du régime (Agessa et Maison des artistes) assuraient le recouvrement des cotisations. 

Par ailleurs, lorsque les contributions et cotisations n’étaient pas versées dans le délai réglementaire, les organismes chargés de la gestion en avisaient l’Urssaf, qui exerçait alors les sanctions prévues par le Code de la Sécurité sociale contre les intéressés. La partie contentieuse n’était donc pas gérée par la Maison des artistes et par l’Agessa.

Le « scandale Agessa »

Désormais, les organismes chargés de la gestion du régime ne sont plus compétents en matière de recouvrement, et cela en raison de ce que certaines organisations professionnelles d’artistes-auteurs ont appelé le « scandale Agessa »

En effet, en 2005, Messieurs Michel Raymond et Bruno Suzzarelli, respectivement inspecteurs généraux des affaires sociales et des affaires culturelles, mettaient en lumière une application de la réglementation non identique entre les deux organismes de gestion du régime : 

« à la différence de la Maison des artistes, l’Agessa n’effectue pas de recensement systématique des artistes auteurs ; elle ne perçoit donc les cotisations vieillesse que sur les affiliés, les autres artistes n’étant pas identifiés, tandis qu’elle encaisse globalement les autres cotisations, précomptées sur les rémunérations ».

En 2013, un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des affaires culturelles a alors à nouveau dénoncé « un point majeur de déficience » « le non-appel de cotisations vieillesse, qui génère aujourd’hui des absences de droit pour des retraités ». Les auteurs ont conclu que cette question était connue depuis plusieurs années, sans être traitée « ce qui n’est pas normal ».

Il faudra alors attendre qu’en 2017, au nom de la Commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, Monsieur Olivier Véran, rapporteur général, signale que la Maison des artistes et l’Agessa : 

« semblent sous-dimensionnées pour assurer ces activités de recouvrement dans de bonnes conditions, notamment au regard des besoins en termes de systèmes d’information. Ces dysfonctionnements ont des conséquences directes sur les droits des artistes auteurs dès lors que l’absence d’appels de cotisations, due généralement à des difficultés d’identification, entraîne directement un retard, voire l’absence, d’ouverture des droits pour les affiliés ».

Le rapporteur préconisait alors la modernisation du recouvrement des cotisations sociales des artistes-auteurs et la centralisation du recouvrement par une Urssaf.

L’Urssaf du Limousin

Ainsi, à la suite de la loi du 30 décembre 2017, l’article 4 du décret du 19 décembre 2018 est venu modifier l’article R. 382-29 du Code de la Sécurité sociale. Ce décret a fait de l’Urssaf Limousin l’organisme chargé du recouvrement de l’ensemble des cotisations et contributions des artistes-auteurs et de leurs diffuseurs dans le cadre du régime social.

Mais depuis janvier 2019, ce transfert de compétences s’est révélé être assez compliqué pour un bon nombre d’artistes-auteurs. En effet, l’Urssaf Limousin a commencé par l’envoi de courriers contenant des codes d’activation d’espaces numériques personnels afin de permettre aux artistes-auteurs de déclarer leurs revenus artistiques et de payer leurs cotisations. Cependant, une très grande majorité d’artistes-auteurs n’est pas parvenue à faire sa déclaration à temps en raison de nombreuses difficultés techniques (problèmes d’identification, mauvais codes, dysfonctionnements du portail…). 

Face à ces problèmes techniques et à la suite des pressions des syndicats, un report du 1er appel de cotisations provisionnelles avait été décalé au 31 janvier 2020. Depuis, les choses s’arrangent, mais de nombreux dysfonctionnements ont été pointés durant les dernières années. 

Instruction des dossiers

Aujourd’hui, le rôle des organismes Agessa/Maison des artistes est très limité puisqu’ils ne recouvrent plus les cotisations et contributions sociales. 

Ils continuent d’instruire les dossiers de demande de rattachement des artistes-auteurs et de les transmettre aux organismes de sécurité sociale après consultation éventuelle des commissions professionnelles instaurées par branche d’activité. 

En résumé, ces deux organismes : 

  1. contrôlent le champ d’éligibilité au statut d’artiste-auteur ; 
  2. recensent de manière permanente les artistes-auteurs et diffuseurs ; 
  3. et sont en principe chargés de l’information des artistes-auteurs sur les conditions du régime et les prestations auxquelles ils peuvent prétendre.

Très concrètement, l’association 2S2A (Sécurité sociale des artistes-auteurs) transmet aux organismes de sécurité sociale sa décision d’affiliation ou de rejet de l’affiliation d’un artiste-auteur :

  • soit dans les deux mois à compter du premier précompte par un diffuseur de ses cotisations et contributions sociales ;
  • soit, lorsqu’il n’y a pas eu de précompte des cotisations de l’artiste-auteur, à partir de la date de son inscription auprès du centre de formalités des entreprises dont il dépend (article R. 382-3 du code de la Sécurité sociale).

Conformément à l’article R. 382-3 du code de la Sécurité sociale, cet organisme est par ailleurs compétent pour mettre fin à l’affiliation d’un artiste-auteur dans les quatre cas suivants :

  • lorsqu’il s’avère que les revenus perçus par l’intéressé ne sont tirés d’aucune activité relevant du régime artistes-auteurs ; 
  • lorsque l’artiste-auteur a déclaré pendant cinq années consécutives n’avoir tiré ni revenu ni recette de son activité d’artiste-auteur ; 
  • lorsque l’URSSAF, chargée du recouvrement des cotisations des artistes-auteurs, a procédé à l’évaluation d’office des revenus de l’artiste-auteur durant trois années consécutives sans que l’intéressé ait procédé à la régularisation de ses déclarations ; 
  • lorsque l’artiste-auteur informe l’INPI de sa décision de cesser définitivement toute activité artistique.

Action sociale

Les organismes de gestion du régime disposent également d’une commission d’action sociale (CAS) qui peut prendre en charge une partie des cotisations sociales des artistes-auteurs. 

Ces aides sont attribuées sur des critères financiers (revenus du foyer fiscal) et familiaux (célibataire, marié ou pacsé, avec ou sans enfants, etc.).


Vous savez désormais tout sur la gestion et le fonctionnement du régime des artistes-auteurs, ainsi que sur les missions des organismes compétents.

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