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Mon client dépose le bilan ! Comment récupérer ma rémunération ?

Que faire lorsque votre client dépose le bilan ? Toutes les étapes pour récupérer votre rémunération

Par Gilles Berrih
Publié le 12/10/23

Se retrouver face à un co-contractant qui dépose le bilan est toujours une situation complexe à gérer, notamment pour un auteur. Votre co-contractant se retrouve ainsi dans l’incapacité de payer votre rémunération et ne peut plus exploiter les droits que vous lui avez cédés. Lorsque votre client dépose le bilan, comment récupérer votre rémunération ? Quelles sont les démarches à effectuer ? Dans ce premier article, nous vous expliquons les formalités et différentes étapes pour obtenir le paiement des sommes qui vous sont dues. Dans un second article, nous étudierons les démarches à effectuer pour tenter de récupérer vos droits d’auteur.

DÉPÔT DE BILAN : COMPRENDRE LA SITUATION DANS LAQUELLE SE TROUVE VOTRE CO-CONTRACTANT

La notion de « dépôt de bilan » regroupe diverses situations, que l’on désigne par le terme juridique « procédures collectives ». Procédures au pluriel, car il en existe plusieurs, selon le degré de gravité de la situation dans laquelle se trouve la société avec laquelle vous avez contracté :

La procédure de sauvegarde

La procédure de sauvegarde concerne les sociétés qui rencontrent des difficultés financières, mais sans être en état de cessation de paiement.

Une entreprise se trouve en état de cessation de paiement lorsqu’elle est « dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible », selon les termes de l’article L. 631-1 du code de commerce.

L’objectif de cette procédure de sauvegarde est de geler les dettes de la société pour permettre au dirigeant de réorganiser sa société et adopter un plan de sauvegarde, dont la modalité principale sera l’étalement des dettes.

La procédure de redressement judiciaire

La procédure de redressement judiciaire concerne les sociétés qui sont déjà en état de cessation de paiement.

L’objectif de la procédure de redressement judiciaire est de permettre à la société de poursuivre son activité, tout en apurant son passif.

L’ouverture d’une telle procédure a pour conséquence un gel des dettes par la suspension de toutes poursuites.

Le Tribunal nomme un mandataire judiciaire, dont le rôle est de représenter les créanciers (notamment vous) de la société en redressement judiciaire.

Le Tribunal peut également nommer un administrateur judiciaire, dont le rôle peut être d’assister, voire de représenter, la société en redressement judiciaire.

La procédure de liquidation judiciaire

La procédure de liquidation judiciaire concerne les sociétés pour lesquelles la procédure de sauvegarde et/ou la procédure de redressement judiciaire n’ont pas permis de redresser la société. Elle s’applique aussi lorsque ces procédures ne sont plus envisageables compte tenu de l’état de cessation de paiement et de l’impossibilité d’un quelconque rétablissement de la société.

L’objectif de la procédure de liquidation judiciaire est de tenter d’apurer le passif en liquidant les actifs disponibles.

L’ouverture d’une telle procédure a pour conséquence un gel des dettes par la suspension de toutes poursuites.

Le Tribunal nomme alors un liquidateur judiciaire, dont le rôle sera de représenter la société et de vendre les actifs pour payer les dettes.

VOTRE CLIENT DÉPOSE LE BILAN ET VOUS DOIT ENCORE DE L’ARGENT

Déclarer sa créance

Quelle que soit la procédure ouverte à l’encontre de votre client, les dettes sont gelées et vous ne pouvez plus agir en recouvrement de votre créance.

Si aucune procédure collective n’est ouverte à l’encontre de votre co-contractant ou si celui-ci sort d’une telle procédure, vous pouvez consulter notre fiche pratique : Facture impayée : que faire face à un client mauvais payeur.

La déclaration de créance est très importante, car elle vous permet de « prendre rang » dans la liste des créanciers de la société. C’est le seul moyen d’obtenir le paiement de la somme qui vous est due !

En cas d’ouverture d’une procédure collective, vous devrez déclarer votre créance antérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective.

Les créances antérieures sont les créances nées avant la date du jugement d’ouverture de la procédure collective.

Comment déterminer la date de votre créance ?

1er cas : Lorsque vous recevez un paiement forfaitaire en contrepartie de votre travail, votre créance contre votre client naît au moment de la livraison de votre travail et de l’émission de votre facture ou de votre note de droits d’auteur.

2e cas : Lorsque vous recevez un paiement sous forme d’une rémunération proportionnelle, par exemple en matière de contrat d’édition ou de contrat de production audiovisuelle, vous devez recevoir des redevances de droits d’auteur (ou royalties). La date de naissance de cette créance sera la date de l’encaissement par votre co-contractant de toutes sommes en contrepartie de l’exploitation de vos œuvres.

Dans ce cas, il est important d’obtenir de votre co-contractant un relevé des comptes arrêté à la date d’ouverture du jugement ouvrant la procédure collective pour pouvoir déclarer précisément votre créance.

Si vous n’obtenez pas ce relevé, il vous faudra tout de même déclarer votre créance sur la base d’une évaluation.

Cette déclaration doit être adressée :

  • au mandataire judiciaire désigné par le Tribunal pour les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire ;
  • au liquidateur judiciaire pour les procédures de liquidation judiciaire.

En revanche, les créances qui seraient nées postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective devront en principe être payées à bonne date.

Ainsi, les sommes encaissées par votre cocontractant ANTÉRIEUREMENT à la date du jugement d’ouverture doivent être déclarées. Les sommes encaissées POSTÉRIEUREMENT à la date du jugement d’ouverture devront être payées par votre co-contractant, dans le respect des stipulations contractuelles.

Délai pour déclarer sa créance

Cas général

Attention, cette déclaration est enfermée dans un délai très strict : la déclaration doit être envoyée au mandataire ou au liquidateur dans le délai de DEUX (2) MOIS à compter de la publication du jugement d’ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc).

Conseil : pour suivre la situation de votre co-contractant, vous pouvez mettre en place une surveillance de la société via le site infogreffe.

Le délai est porté à 4 mois si :

  • Vous n’êtes pas domicilié en métropole,
  • Ou si la procédure collective est ouverte dans un département ou une collectivité d’outre-mer et que vous n’êtes pas domicilié dans ce lieu

Cas particuliers

Doivent être avertis personnellement par le mandataire ou le liquidateur :

  1. Les créanciers titulaires d’une sûreté publiée. Par exemple, lorsque votre co-contractant a apporté une garantie faisant l’objet d’une publication, comme une hypothèque, dans le cadre de vos relations contractuelles.
  2. Les créanciers liés au débiteur par un contrat publié. Cela concerne principalement les auteurs d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles (réalisateur, scénariste) dont les contrats doivent être publiés aux Registres du Cinéma et de l’Audiovisuel, et dont la tenue est assurée par le Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC). Pour ces auteurs, le délai de déclaration ne commence à courir qu’à compter de la notification reçue du mandataire ou du liquidateur. Cette notification doit répondre à plusieurs conditions définies par l’article R. 622-21 du code de commerce. À défaut, la notification pourrait être considérée comme non valable et aucun délai de déclaration n’aura commencé à courir contre l’auteur.

CONTENU DE LA DÉCLARATION DE CRÉANCE

La déclaration doit contenir les informations suivantes :

  • Le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture, avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances.
  • La nature et l’assiette de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie.
  • Les éléments de nature à prouver l’existence et le montant de la créance (si elle ne résulte pas d’un titre exécutoire, tel qu’un jugement). Il s’agit ici de communiquer les factures, notes d’auteur et tous documents prouvant que la société vous doit de l’argent.
  • Les modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté.
  • L’indication de la juridiction saisie si la créance fait l’objet d’un litige.

Si vous ne connaissez pas encore le montant de votre créance, par exemple parce que votre co-contractant ne vous a pas rendu les comptes, vous devez quand même déclarer votre créance dans le délai légal sur la base d’une évaluation.

Vous devrez joindre à votre déclaration toutes les pièces justificatives.

Attention : les auteurs bénéficient de plein droit, par l’effet de l’article L. 131-8 du code de la propriété intellectuelle d’un privilège spécifique. C’est un droit permettant de se faire payer par préférence aux autres créanciers, en vue du paiement des redevances et rémunérations qui leur sont dues pour les trois dernières années à l’occasion de la cession, de l’exploitation ou de l’utilisation de leurs œuvres.

Il est donc impératif de mentionner dans la déclaration que vous entendez vous prévaloir de ce privilège et de demander que votre créance soit déclarée à titre privilégiée, ce qui vous permettra, en cas de paiement des créanciers, de bénéficier d’un meilleur rang.

Si vous ne vous prévalez pas du caractère privilégié de la créance, votre créance sera considérée comme « chirographaire », c’est-à-dire ne bénéficiant d’aucune sûreté et votre rang sera inférieur en cas de paiement.

Lien vers l'article L. 131-8 du code de la propriété intellectuelle accordant un privilège aux auteurs, compositeurs et artistes.

FORME DE LA DÉCLARATION DE CRÉANCE

Il n’existe aucun formalisme particulier pour la déclaration de créance. Mais il est fortement recommandé de l’adresser par courrier recommandé avec accusé de réception pour conserver la preuve d’envoi et de présentation.

Vous pouvez vous inspirer du formulaire proposé par l’administration.

QUE FAIRE SI JE N’AI PAS PU DÉCLARER MA CRÉANCE DANS LE DÉLAI LÉGAL ?

La déclaration de créance est un acte très important, car à défaut de déclaration, votre créance sera inopposable à la procédure collective. Cela signifie que si des paiements ont lieu, vous ne pourrez pas en bénéficier. Vous perdrez donc le bénéfice de votre créance.

Si vous n’avez pas pu déclarer votre créance dans le délai légal, vous pouvez, dans certaines circonstances, tenter d’obtenir une dérogation, appelée « relevé de forclusion ».

Il s’agira de demander au juge-commissaire (juge désigné par le tribunal pour veiller au déroulement de la procédure collective) de vous autoriser à déclarer votre créance malgré le non-respect du délai légal.

Vous devrez donc déposer une requête en relevé de forclusion au greffe du tribunal de commerce.

Cette requête est adressée au juge-commissaire dans un délai maximum de 6 mois suivant la publication du jugement d’ouverture au Bodacc.

Si vous obtenez une réponse favorable du juge-commissaire, vous pourrez déclarer votre créance dans un délai d’un (1) mois suivant la notification de la décision de relevé de forclusion.

Toutefois, le relevé de forclusion ne pourrait être admis que dans les cas suivants :

  • Vous devrez démontrer que votre défaillance n’est pas de votre fait et que c’est par la faute de votre co-contractant que vous n’avez pas pu déclarer votre créance,
  • Ou que votre co-contractant a omis de vous inscrire sur la liste des créanciers qu’il doit établir lors de l’ouverture de la procédure collective.

SORT DE LA DÉCLARATION DE CRÉANCE

La déclaration de créance sera examinée par le mandataire ou le liquidateur qui pourra décider d’admettre la créance ou de la rejeter.

Si le mandataire ou le liquidateur décide de rejeter la créance :

Il doit vous notifier les motifs du rejet et vous disposerez d’un délai de 30 jours pour formuler vos observations.

Si vous ne répondez pas dans le délai, vous ne pourrez plus vous opposer à la décision de rejet prise par le mandataire ou le liquidateur.

Si vous répondez dans le délai, la créance sera alors examinée par le juge-commissaire qui décidera du rejet ou de l’admission de la créance.

Attention : il est impératif de formuler des observations dès réception du courrier du mandataire ou du liquidateur.

Si le mandataire ou le liquidateur admet votre créance :

Vous prenez rang parmi tous les créanciers de la société et attendez un éventuel paiement de la somme qui vous est due.

Les créanciers sont classés et payés par ordre de priorité, selon leur statut et les privilèges que leur accorde la loi, que l’on pourrait résumer ainsi :

  1. les salaires des employés ;
  2. les frais de justice, frais de greffe et frais de mandataire judiciaire ;
  3. les dettes fiscales et sociales : les paiements au Trésor public, à l’Urssaf… ;
  4. les dettes des créanciers nantis, c’est-à-dire ceux qui disposent d’un bien en garantie ;
  5. les dettes des créanciers ayant un privilège ou une hypothèque (dont le privilège des auteurs, compositeurs et artistes mentionné plus haut) ;
  6. les dettes des créanciers chirographaires, autrement dit ceux qui ne disposent d’aucun privilège.

En cas de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le paiement de votre créance sera probablement échelonné.

Dans le cas d’une liquidation judiciaire, c’est le produit de la vente des actifs disponibles qui sert à régler les dettes. Il arrive malheureusement que la somme obtenue ne permette de payer que les premiers rangs…

Dans tous les cas, il est essentiel de déclarer votre créance. C’est le seul moyen d’avoir une chance d’être payé un jour !

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