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Mon client dépose le bilan ! Comment récupérer mes droits d’auteur ?

Comment récupérer vos droits d’auteur lorsque votre client dépose le bilan ?

Par Gilles Berrih
Publié le 09/11/23

Le dépôt de bilan d’un cocontractant peut être un véritable casse-tête, surtout pour un auteur. Vous pouvez vous retrouver sans rémunération et sans pouvoir exploiter vos droits d’auteur. Dans un premier article, nous vous avons expliqué les formalités et différentes étapes pour obtenir le paiement de vos factures ou notes d’auteur. Mais que faire lorsque ce cocontractant n’exploite plus vos créations et ne vous verse donc plus vos redevances ? Seule solution : récupérer vos droits d’auteur pour pouvoir les céder à une autre société. Dans ce second article, nous vous expliquons comment récupérer vos droits d’auteur lorsque votre client dépose le bilan :

QU’EST-CE QUE LE « DÉPÔT DE BILAN » ?

Le dépôt de bilan regroupe plusieurs situations appelées « procédures collectives ».

Pour comprendre les situations juridiques concernées par la notion de dépôt de bilan, consultez notre premier article intitulé Mon client dépose le bilan ! Comment récupérer sa rémunération ?

VOTRE CLIENT DÉPOSE LE BILAN ET VOUS SOUHAITEZ RÉCUPÉRER VOS DROITS D’AUTEUR

Vous avez cédé vos droits à une société qui doit exploiter votre création et vous reverser des redevances. Mais le dépôt de bilan de cette société a nécessairement des conséquences sur sa capacité à poursuivre l’exploitation de votre création.

Quel est le sort du contrat conclu avec votre client ? Le cas échéant, comment récupérer la propriété de vos droits pour pouvoir les céder à une autre société ?

SORT DU CONTRAT CONCLU AVEC VOTRE CLIENT

Principe de continuation des contrats en cours

Par principe, l’ouverture d’une procédure collective de sauvegarde ou de redressement judiciaire à l’encontre de votre co-contractant n’a pas pour effet de résilier automatiquement le contrat que vous aviez conclu antérieurement avec lui.

En effet, l’objet de ces procédures est de maintenir l’activité de la société en difficulté.

Ce principe de poursuite des contrats en cours est prévu par l’article L. 622-13 du code de Commerce pour la procédure de sauvegarde, ainsi qu’au redressement judiciaire par renvoi de l’article L. 631-14 de ce même code. Il est également applicable à la procédure de liquidation judiciaire par application de l’article L. 641-11-1 du code de commerce.

Attention, n’imaginez pas que vous pouvez l’éviter en insérant une clause dans votre contrat. Car toute clause qui serait contraire et qui prévoirait la résiliation automatique du contrat en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de l’une des parties est nulle.

En conséquence, votre contrat se poursuit avec votre client malgré l’ouverture d’une procédure collective à son encontre. Vous n’avez pas le choix.

Votre co-contractant devra tout de même respecter les termes du contrat et notamment payer à bonne date les redevances dues qui seraient nées postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, comme expliqué dans l’article Mon client dépose le bilan ! Comment récupérer sa rémunération.

Il existe néanmoins des cas dans lesquels le contrat pourra être résilié. Et s’il est résilié, vous récupérez vos droits d’auteur.

Cas généraux de résiliation du contrat

1er cas : l’administrateur ou le liquidateur résilie le contrat

L’administrateur (pour les procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire) ou le liquidateur (pour la procédure de liquidation judiciaire) peut seul décider de ne pas poursuivre le contrat.

Dans ce cas, cet organe vous notifie sa décision et le contrat prend fin.

2cas : la résiliation de plein droit

Le contrat en cours est résilié de plein droit, c’est-à-dire de manière automatique, sans besoin d’une formalité, dans les deux hypothèses suivantes :

  1. Vous adressez à l’administrateur ou au liquidateur une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat et vous restez plus d’un mois sans réponse. Autrement dit, vous pouvez mettre en demeure l’administrateur ou le liquidateur pour lui demander s’il entend poursuivre ou non votre contrat. S’il ne répond pas dans le délai d’un mois, vous pourrez considérer que le contrat est automatiquement résilié.
  2. Si l’administrateur décide de poursuivre le contrat, il doit l’exécuter et procéder au paiement des sommes dues pour la période postérieure à l’ouverture de la procédure collective. Si l’administrateur ne peut plus payer les sommes dues au titre du contrat, le contrat sera résilié de plein droit.

Les cas de résiliation de plein droit du contrat doivent être ensuite constatés par le juge-commissaire sur demande de l’administrateur, du liquidateur ou de toute personne intéressée. Vous pouvez donc solliciter le juge-commissaire pour faire constater la résiliation de plein droit d’un contrat.

3cas : la résiliation nécessaire à la sauvegarde de l’entreprise en difficulté

À la demande de l’administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire (juge chargé du contrôle de la procédure collective) si elle est nécessaire à la sauvegarde de votre co-contractant et ne porte pas une atteinte excessive à vos intérêts.

Cas particuliers de résiliation du contrat

Le contrat d’édition

Il existe des dérogations en matière de contrat d’édition, lorsque l’éditeur est en procédure collective (article L. 132-15 du Code de la propriété intellectuelle).

Le principe de la poursuite du contrat est maintenu et toutes les obligations de l’éditeur à votre égard doivent être respectées.

En cas de liquidation judiciaire de la société d’édition, c’est-à-dire de cessation totale de son activité, vous devez recevoir du liquidateur un état des comptes à date de la cessation faisant apparaître :

  • le nombre d’exemplaires des ouvrages vendus depuis la dernière reddition des comptes établie ;
  • le montant des droits qui vous sont dus au titre de ces ventes ;
  • le nombre d’exemplaires disponibles dans le stock de l’éditeur ;
  • les informations qu’il a recueillies auprès des distributeurs et des détaillants sur le nombre d’exemplaires restant disponibles.

Votre contrat avec l’éditeur est résilié de plein droit au jour du prononcé de la liquidation judiciaire ou si l’activité a cessé depuis plus de 6 mois. Cela vous permet de récupérer automatiquement vos droits. Vous n’avez aucune formalité à accomplir.

Enfin, le liquidateur doit vous avertir personnellement par courrier recommandé avec accusé de réception au moins 15 (quinze) jours avant toute vente en solde des exemplaires en stock.

Vous bénéficiez alors d’un droit de préemption pour le rachat de tout ou partie des exemplaires fabriqués en stock, c’est-à-dire, d’un droit prioritaire de rachat de ces exemplaires. Si vous ne vous mettez pas d’accord sur le prix de rachat, ce prix peut être fixé par un expert.

Le contrat de production audiovisuelle

Il existe également des dérogations en matière de contrat de production audiovisuelle, lorsque le producteur est en procédure collective (article L. 132-30 du Code de la propriété intellectuelle).

Ici aussi, le principe de la poursuite du contrat est maintenu et toutes les obligations du producteur à votre égard doivent être respectées.

Vous pouvez demander à ce que votre contrat soit résilié de plein droit si l’activité a cessé depuis plus de 3 mois ou en cas de prononcé de la liquidation judiciaire.

Attention : à la différence des dispositions en matière de contrat d’édition, le contrat de production audiovisuelle n’est pas automatiquement résilié. Il vous faudra adresser une demande de résiliation au liquidateur. Par précaution, il est conseillé d’envoyer cette demande par courrier recommandé avec accusé de réception.

En cas de liquidation judiciaire d’une société de production audiovisuelle, le liquidateur devra procéder à la cession des films du catalogue de ce producteur. La valorisation (le prix) résulte généralement du travail d’un expert judiciaire.

Le liquidateur a l’obligation d’informer chacun des auteurs et des coproducteurs du film par lettre recommandée, un mois avant toute décision sur la cession. À défaut d’information, la cession serait nulle. Vous recevrez donc, en votre qualité d’auteur, une notification préalablement à toute cession.

Vous disposerez alors d’un droit de préemption pour le rachat des droits du producteur sur le film. Toutefois, si un coproducteur du film décide également de racheter ces droits, il sera prioritaire par rapport à vous. Mais il devra ensuite poursuivre l’exécution du contrat à votre égard.

Conséquences de la résiliation du contrat

En cas de résiliation, le contrat prend fin pour l’avenir et les droits que vous aviez cédés vous reviennent.

De plus, si vous estimez que cette résiliation du contrat vous cause un préjudice, vous pouvez déclarer une créance correspondant à l’indemnisation de ce préjudice. Cette déclaration de créance doit être faite dans le délai d’un mois à compter de la date de la notification de la décision prononçant la résiliation du contrat (article R. 622-21 alinéa 2 du code de commerce).

LES ÉVENTUELLES ISSUES DU REDRESSEMENT JUDICIAIRE ET LEURS CONSÉQUENCES SUR VOS RELATIONS CONTRACTUELLES

Le redressement judiciaire de votre cocontractant peut déboucher sur un plan de redressement, une cession ou une liquidation judiciaire.

Le plan de redressement

Si le redressement judiciaire débouche sur un plan de redressement : votre contrat se poursuit de façon tout à fait normale. Votre cocontractant n’est alors plus en procédure collective.

La cession

Si le redressement judiciaire débouche sur une cession totale ou partielle du fonds de commerce de votre cocontractant : vos contrats pourront être repris, en tout ou partie, par le repreneur de votre cocontractant. Vous ne pouvez pas vous y opposer.

Dans cette hypothèse, deux scénarios sont possibles :

  • Pour les contrats repris : ils se poursuivent de façon normale, le repreneur se substituant à votre cocontractant.
  • Pour les contrats non repris : ils sont résiliés et vous pouvez récupérer vos droits.

La liquidation judiciaire

La procédure de redressement judiciaire peut être convertie en procédure de liquidation judiciaire, lorsqu’il est impossible de présenter un plan de redressement.

Dans ce cas, le contrat que vous avez conclu se poursuit par principe durant toute la procédure de liquidation judiciaire. Il peut être résilié dans les conditions déjà rappelées ci-dessus.

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Et n’oubliez pas ! Chaque situation est unique, chaque cas comporte des spécificités qui entraînent une application du droit individualisée. Les informations communiquées sur la plateforme Creatricks sont d’ordre général et ne remplacent pas un conseil personnalisé. En cas de doute, n’hésitez pas à vous rapprocher d’un avocat.

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