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Photographie, intelligence artificielle et droits d’auteur | Vidéo

Modification d’une photographie via un filtre automatique basé sur une intelligence artificielle : le cadre juridique

Par Gilles Berrih et Yvan Palierne
Publié le 28/02/22

L’utilisation de l’intelligence artificielle en matière de photographie est de plus en plus courante. Qui n’a pas déjà utilisé un filtre automatique pour améliorer une photo ? Un membre de la communauté Creatricks nous a posé une question très pertinente : dans quel cadre juridique peut-on modifier des photographies en les passant sous un filtre automatique basé sur une intelligence artificielle ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire de rappeler les règles applicables à la protection de la photographie d’origine. Cette œuvre préexistante est-elle protégée par un droit d’auteur ? Si oui, l’auteur a-t-il donné son accord pour qu’elle soit modifiée ? Puis, on peut ensuite déterminer dans quelles conditions la photographie modifiée par le filtre pourrait être utilisée et protégée par les droits d’auteur. Photographieintelligence artificielle et droits d’auteur : Gilles Berrih, avocat en propriété intellectuelle, vous explique tout.

Les droits d’auteur sur la photographie d’origine, avant l’intervention de l’intelligence artificielle

La photographie d’origine est-elle protégée par le droit d’auteur ? Deux situations peuvent se présenter :

       1. La photographie est dans le domaine public

Une œuvre tombe dans le domaine public lorsque son auteur est décédé depuis plus de 70 ans. Elle n’est alors plus protégée par le droit d’auteur et peut être utilisée librement.

       2. La photographie n’est pas dans le domaine public

Il est alors nécessaire de vérifier si elle est protégée par le droit d’auteur. Le critère de protection est l’originalité.

Aux termes de la jurisprudence « Painer » de la Cour de justice de l’Union européenne [1] du 1er décembre 2011, l’originalité d’une photographie s’apprécie en fonction des « choix libres et créatifs » du photographe, à différents moments de la création :

  • Au stade de la phase préparatoire, l’auteur pourra choisir la mise en scène, la pose de la personne à photographier ou l’éclairage.
  • Lors de la prise de la photographie, il pourra choisir le cadrage, l’angle de prise de vue ou encore l’atmosphère créée.
  • Enfin, lors du tirage du cliché, l’auteur pourra choisir parmi les diverses techniques de développement qui existent, ou encore procéder, le cas échéant, à l’emploi de logiciels.

Si la photographie est considérée comme non originale ou banale, elle ne pourra donc pas bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur. Son utilisation par des tiers sera libre, sauf usage déloyal ou contraire à la vie des affaires.

En revanche, si la photographie initiale est originale et donc protégée par le droit d’auteur, il sera nécessaire de solliciter l’autorisation de son auteur avant toute modification.

Pour en savoir plus sur l’originalité, le critère de protection par le droit d’auteur, et la photographie :

Les droits d’auteurs sur la photographie seconde, créée via une intelligence artificielle

Lorsque l’on incorpore une œuvre antérieure à une œuvre nouvelle, mais sans que l’auteur de l’œuvre antérieure ne participe à la création de la seconde, on appelle cela une œuvre composite (article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle).

Le cadre juridique de cette œuvre composite varie, selon que la photographie d’origine est originale, ou si elle est tombée dans le domaine public. Mais aussi selon que l’auteur de la photographie d’origine a donné son accord, ou non.

L’auteur de la photographie d’origine, protégée par le droit d’auteur, n’a pas donné son accord

La diffusion de la photographie seconde ainsi passée sous un filtre pourrait constituer une contrefaçon si les caractéristiques originales de la photographie d’origine sont reproduites.

L’auteur de la photographie d’origine serait alors en droit de faire interdire l’exploitation de l’œuvre composite et de demander l’indemnisation de son préjudice.

Écoutez notre épisode de podcast : Peut-on reproduire une œuvre pour en créer une nouvelle ?

La photographie d’origine peut être utilisée et modifiée

C’est le cas lorsque :

  • l’auteur de la photo première a donné son accord ;
  • ou quand la photo d’origine est tombée dans le domaine public ;
  • ou encore lorsque la photo initiale n’est pas originale et n’est donc pas protégée par le droit d’auteur.

Dans ces cas-là, en appliquant un filtre automatique basé sur une intelligence artificielle, le créateur de l’œuvre composite bénéficie-t-il de droits sur cette création nouvelle ? Pour répondre à cette question, il faut déterminer si le créateur de l’œuvre composite intervient, ou non, dans le processus de création :

       1. Si le créateur de l’œuvre composite n’intervient pas dans le processus de création par l’intelligence artificielle

En d’autres termes, la seule modification apportée à la photographie résulte uniquement de l’intervention de l’intelligence artificielle. Cette nouvelle création ne peut être qualifiée « d’œuvre », car une intelligence artificielle n’est pas considérée comme un auteur. Seule une personne humaine peut être considérée comme un auteur. Et si ce n’est pas une « œuvre », il ne peut y avoir de droits d’auteur.

       2. Si le créateur de l’œuvre composite intervient dans le processus de création avec l’assistance d’une intelligence artificielle

Dans ce cas, l’œuvre composite peut être considérée comme originale, sous réserve que son créateur démontre le caractère original de son intervention (par exemple, par le choix de la technique de tirage ou l’emploi d’un logiciel).

Il pourrait alors exploiter cette œuvre composite, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre d’origine.

Sur le même thème, consultez notre petit lexique de la photographie.

Attention au droit moral de l’auteur de l’œuvre d’origine !

Dans tous les cas, l’exploitation de l’œuvre composite suppose que le droit moral de l’auteur de l’œuvre d’origine soit respecté. C’est-à-dire notamment que sa photographie ne doit pas subir de modifications qui altéreraient fortement l’intégrité de son œuvre.

Les droits moraux sont perpétuels et transmissibles aux héritiers de l’auteur après sa mort. Il est donc nécessaire de solliciter l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants-droits, avant toute modification.

Conclusion : si ce n’est pas vous qui êtes l’auteur de la photographie d’origine et si celle-ci est originale, il est conseillé de solliciter l’autorisation de son auteur avant de la modifier. Quant aux droits d’auteur sur l’œuvre composite créée via une intelligence artificielle, tout dépend du degré d’intervention créative de son auteur.

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Et n’oubliez pas ! Chaque situation est unique, chaque cas comporte des spécificités qui entraînent une application individualisée du droit. Les informations communiquées sur la plateforme Creatricks sont d’ordre général et ne remplacent pas un conseil personnalisé. En cas de doute, n’hésitez pas à vous rapprocher d’un avocat.

  1. La CJUE intervient, généralement à la demande d’une juridiction d’un pays de l’Union européenne (question préjudicielle), pour interpréter le droit de l’Union européenne (directives ou règlements).
    Le renvoi préjudiciel permet aux juridictions des États membres, dans le cadre d'un litige dont elles sont saisies, d'interroger la Cour sur l'interprétation du droit de l’Union ou sur la validité d'un acte de l’Union. La Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l'affaire conformément à la décision de la Cour. Cette décision lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire. ↩︎

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