Le 5 décembre 2023, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen sont parvenus à un accord provisoire sur un ensemble de textes assurant la protection des dessins et modèles. Cet accord a été approuvé et voté par le Parlement européen le 14 mars 2024. Il était temps ! Car la législation en vigueur a plus de 20 ans. Encore un texte de loi incompréhensible, nous direz-vous… Pourtant, si vous êtes designer, ça vaut vraiment le coup de se pencher un peu sur la question. Car les dessins et modèles représentent la meilleure protection pour le design ! Et l’objectif de ces nouveaux textes est justement de faciliter la protection du design par les dessins et modèles. Le but est aussi d’adapter la législation de l’UE aux défis de l’ère numérique et de l’impression 3D. Alors, qu’est-ce qui va changer ? On vous explique les choses clairement ici :
Dessins et modèles : une nécessaire mise à jour de la législation
Les textes régissant la protection des dessins et modèles ont plus de 20 ans !
En France, la directive européenne 98/CE/71 du 13 octobre 1998 sur les dessins et modèles nationaux a été transposée par une ordonnance du 25 juillet 2001. Le règlement européen sur la protection des dessins et modèles communautaires (européens) date du 12 décembre 2001.
Ça date tout ça ! Et il s’en est passé des choses depuis, notamment en ce qui concerne les évolutions techniques et numériques et les nouveaux modes de création… Il était donc grand temps de mettre à jour ces textes législatifs. Et c’est bien parti pour.
Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que la protection de la propriété intellectuelle (droit d’auteur, design, marques, brevets, etc.) est décidée par l’UE. Les pays membres appliquent ou transposent les textes législatifs adoptés par le Conseil et le Parlement européen. Donc, même si ces institutions européennes vous paraissent lointaines, c’est un sujet que tous les designers devraient suivre de près.
La première étape a été l'adoption d'un accord provisoire des parlementaires européens sur le projet de texte, le 5 décembre 2023. Cet accord est intervenu un an après la proposition de la Commission européenne de novembre 2022. En gros, les parlementaires ont discuté de la proposition de la Commission pendant un an et ont fini par se mettre d’accord sur les termes de la réforme.
Puis, cet accord a été validé par le vote du Parlement européen le 14 mars 2024. La prochaine étape est la validation par le vote du Conseil de l'UE.
L’objectif de la nouvelle législation : une meilleure protection du design en Europe
L’enjeu est de taille ! Car les industries qui font un usage intensif de dessins ou modèles représentent près de 16 % du PIB et de 14 % de l’ensemble des emplois dans l’UE.
La protection du design se doit d’être efficace :
« Très souvent, c’est un bon dessin ou modèle qui amène les consommateurs à choisir une voiture, une chaise, une lampe ou tout autre produit. Les grands créateurs ont fait de nos produits les choix préférés des consommateurs du monde entier, mais la propriété intellectuelle d’un bon dessin ou modèle doit être protégée contre les copies et les contrefaçons. L’accord conclu aujourd’hui permettra aux créateurs de protéger leurs créations plus facilement, plus rapidement et à moindre coût, même à l’ère du numérique. »
Jordi Hereu i Boher, ministre espagnol de l’Industrie et du Tourisme.
Chez Creatricks, on est convaincus que les dessins et modèles sont la meilleure façon de protéger le design. On vous en parle ici :
Voici les principaux éléments de ces projets de textes :
Élargissement du champ de protection par les dessins et modèles
Afin de s’adapter aux nouvelles formes de création, notamment audiovisuelle et numérique, les textes élargissent les caractéristiques et produits objets de la protection par les dessins et modèles.
Le mouvement, les transitions et tout autre type d’animation font leur grande entrée parmi les caractéristiques pouvant être protégées par les dessins et modèles.
La définition des « produits » pouvant être protégés par les dessins et modèles est aussi élargie, afin d’y inclure un volet numérique et de prendre en compte les interfaces graphiques.
Actes de contrefaçon modernisés
Aujourd’hui, sont considérés comme des actes de contrefaçon la fabrication, l’offre, la vente, l’utilisation, le stockage, l’importation et l’exportation de produits auxquels le dessin ou modèle est incorporé, ou appliqué.
Les textes se mettent au goût de jour en introduisant les interdictions suivantes : la création, le téléchargement, la copie et le partage ou la distribution à un tiers de tout support ou logiciel enregistrant le dessin ou modèle, en vue de permettre la réalisation (ou fabrication) du produit protégé.
Enfin un symbole pour signaler l’enregistrement du design !
On l’attendait depuis un moment ! Le petit symbole qui permet d’indiquer qu’un design est protégé par les dessins et modèles, comme le © pour “copyright” ou le ® pour “registered”. Ce sera la lettre D entourée d’un cercle.
Cumul de protection avec le droit d’auteur
Les projets de textes consacrent la position de la jurisprudence européenne qui accepte le cumul de protection par les dessins et modèles et par le droit d’auteur. C’était admis par les tribunaux, mais ce sera désormais officiel : un design protégé par les dessins et modèles peut aussi être protégé par le droit d’auteur (sous réserve que les conditions de protection soient remplies, bien sûr !).
Formalisme de dépôt
Les textes introduisent une nouvelle exigence de visibilité. Les caractéristiques de l’apparence du dessin ou modèle devront être représentées de manière visible dans la demande d’enregistrement. Cela impose, lors du dépôt, de fournir de nombreux détails sur les dessins et modèles revendiqués.
Regroupement de plusieurs dessins et modèles en un seul dépôt
Le projet de règlement sur les dessins et modèles de l’UE innove en admettant la possibilité de regrouper plusieurs dessins et modèles pour différentes classes de produits, en une seule demande. Conséquence : cela réduira le coût des dépôts ! Et ça, c’est une bonne nouvelle !
Payer plus pour protéger plus
Bon, ici c’est une moins bonne nouvelle : le projet de règlement prévoit une augmentation des taxes de dépôt à l’échelle de l’Union européenne. En d’autres termes, les créateurs qui veulent protéger un dessin ou un modèle sur le territoire de l’UE devront payer davantage pour garantir leurs droits.
Cette augmentation s’explique par l’étendue géographique de la protection accordée au niveau européen (dans TOUS les pays de l’UE !) qui dépasse largement celle assurée au niveau national.
Réparer plutôt que racheter
L’accord clarifie les conditions de la « clause de réparation ». Cette clause vise à libéraliser le marché des pièces de rechange et à faciliter la réparation des produits au sein des pays de l’Union européenne. Pour cela, elle prévoit que la protection des dessins et modèles est inapplicable aux pièces de rechange d’un produit complexe, qui pourront être librement commercialisées.
Cette disposition est favorable au consommateur, qui pourra, grâce à elle, faire des économies en réparant son produit plutôt qu’en en achetant un neuf.
Patrimoine culturel pour tous
Les projets de textes interdisent que les éléments du patrimoine culturel d’intérêt national soient protégés au titre de dessins ou modèles. Ainsi, les éléments qui rentrent dans la catégorie du patrimoine culturel selon la définition posée par l’UNESCO, comme les costumes traditionnels régionaux, ne pourront faire l’objet d’un dépôt de dessin ou modèle. Cette interdiction vise à ne pas privatiser ces éléments qui font partie d’un patrimoine culturel commun et donc appartenant à tous.
Cet accord, qui modernise le régime des dessins et modèles a été validé et adopté par le Parlement européen le 14 mars 2024. Pour entrer en vigueur, il doit encore être approuvé et formellement adopté par le Conseil de l'UE. Nous suivons cette affaire de près et mettrons cet article à jour dès que les textes seront adoptés.
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