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Contrefaçon et concurrence déloyale : 2 actions à bien articuler !

Comment agir sur le fondement de la contrefaçon et de la concurrence déloyale ?

Par Kiméra Severe, juriste au tribunal judiciaire de Paris
Publié le 29/10/25

Votre création fait des émules… mais pas dans le bon sens ? Quelqu’un s’approprie vos œuvres sans autorisation ? Artistes, créateurs, pour faire respecter vos droits, il arrive que vous n’ayez pas le choix : vous devez vous tourner vers les tribunaux et prouver cette violation. Mais comment réussir votre défense, notamment en matière de droit d’auteur ? Quel recours choisir pour obtenir réparation et gagner votre procès ? Vous connaissez sûrement l’action en contrefaçon. Avez-vous entendu parler de l’action en concurrence déloyale ? Les deux peuvent être efficaces pour lutter contre les copieurs. Contrefaçon d’un côté, concurrence déloyale de l’autre : pas besoin de choisir, utilisez les deux ! Mais pas n’importe comment. Pour une protection optimale de vos créations, il est crucial de les exploiter efficacement devant les juridictions compétentes. Creatricks vous explique comment bien articuler les actions en contrefaçon et concurrence déloyale devant les tribunaux.

Bien comprendre les différences entre la contrefaçon et la concurrence déloyale

La contrefaçon et la concurrence déloyale sont deux notions juridiques distinctes, bien qu’elles puissent parfois être invoquées ensemble dans une affaire.

Qu’est-ce que la contrefaçon ?

La contrefaçon sanctionne la reproduction partielle ou intégrale, l’imitation ou l’utilisation non autorisée d’une création protégée par un droit de propriété intellectuelle (droit d’auteur, dessin et modèle, marque, brevet).

Pour agir, il faut être titulaire du droit concerné ou bénéficier d’une licence si le contrat l’autorise à agir. L’action peut être intentée devant les juridictions civiles ou pénales.

Qu’est-ce que la concurrence déloyale ?

La concurrence déloyale repose sur un principe plus large : elle sanctionne des pratiques contraires aux usages honnêtes du commerce. Il faut prouver une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux.

L’action en concurrence déloyale ne peut être intentée aux côtés de l’action en contrefaçon que si la faute reprochée repose sur des faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon.

Pourquoi donc ?

Tout simplement parce qu’un même fait ne peut être sanctionné deux fois et un même dommage ne peut donner lieu à une double réparation.

Toujours pas compris ?

Petit exemple pour plus de clarté :

Un éditeur de livre reproduit sans autorisation la couverture originale d’une œuvre protégée par le droit d’auteur, en y apportant des modifications. L’auteur peut engager une action en contrefaçon pour violation de ses droits patrimoniaux et moraux.

En parallèle, ce même éditeur sait que le livre de l’auteur a cartonné. Il décide d’utiliser un titre – qui peut ne pas être protégeable par le droit d’auteur – très proche pour capter la clientèle de cet écrivain à succès. Il est tout simplement malhonnête. La concurrence déloyale peut ainsi être invoquée contre cette fourbe attitude.

Comprendre les nuances entre contrefaçon et concurrence déloyale est essentiel pour choisir la bonne stratégie devant les tribunaux.

Contrefaçon et concurrence déloyale : comment bien les articuler en justice ?

Lorsqu’un créateur subit un préjudice, il peut invoquer conjointement la contrefaçon et la concurrence déloyale.

Cependant, l’articulation des deux actions doit être précise.

Mais comment faire ?

L’action en contrefaçon est souvent engagée à titre principal, c’est-à-dire que c’est l’argument le plus important du procès, celui que l’on invoque en priorité et qui est examiné en premier par le juge.

La concurrence déloyale peut être invoquée soit à titre complémentaire, soit à titre subsidiaire. Qu’est-ce que ça veut dire ? À titre complémentaire signifie que c’est un deuxième argument invoqué en plus de la contrefaçon. À titre subsidiaire signifie que si le tribunal juge qu’il n’y a pas de contrefaçon, alors on lui demande d’examiner l’argument de la concurrence déloyale (une sorte de plan B).

Explications :

Premier scénario :

Vous invoquez à la fois une atteinte à vos droits de propriété intellectuelle ET un comportement déloyal dans le commerce. Le combo gagnant : contrefaçon à titre principal et concurrence déloyale à titre complémentaire.

La sanction ? Sur la base des deux actions.

Reprenons un exemple : une société vend des bijoux contrefaisant une marque d’un petit artisan. Elle utilise également un nom commercial proche de la marque initiale, lui causant un détournement de clientèle. Toujours ce fameux comportement malhonnête. L’artisan peut intenter une action en contrefaçon de sa marque, mais aussi une action en concurrence déloyale à titre complémentaire pour l’utilisation du nom commercial litigieux.

Second scénario :

Que faire si la contrefaçon ne peut être reconnue par les juges ?

La concurrence déloyale peut servir de recours subsidiaire.

C’est le cas si les juges considèrent que l’action en contrefaçon est prescrite ou s’ils relèvent que les droits invoqués ne sont pas protégeables au titre de la propriété intellectuelle.

Exemple : un graphiste ne parvient pas à prouver qu’il est titulaire de ses œuvres. Il peut néanmoins prouver que celui qui le copie reprend ses codes graphiques et son univers, adoptant ainsi un comportement déloyal.

Faut-il toujours agir en contrefaçon ? L’importance de la stratégie à adopter dans un procès

Engager une action en contrefaçon peut s’avérer risqué si vos droits de propriété intellectuelle ne sont pas clairement établis.

Avant d’entamer toute procédure, assurez-vous que votre titre de propriété est inattaquable.

Voici les principaux écueils à éviter :

Remise en cause de votre titre de propriété :

Votre adversaire peut contester par exemple la validité de votre marque, notamment en demandant son annulation. Une marque annulée est une marque qui n’a jamais existé. Si votre titre est annulé, vous perdez tout droit de propriété intellectuelle.

Absence d’originalité en droit d’auteur :

En matière de droit d’auteur, la création doit être originale pour être protégée. Si les juges estiment qu’elle ne l’est pas, aucun droit ne peut être revendiqué. Résultat ? Votre action en contrefaçon tombe à l’eau.

Incapacité à prouver votre titularité :

Sans preuve formelle que vous êtes bien l’auteur ou le titulaire d’une œuvre, vous ne pourrez pas faire valoir vos droits. En droit d’auteur, la présomption de titularité repose sur le nom sous lequel l’œuvre a été publiée ou divulguée. Si vous ne pouvez pas prouver que vous êtes l’auteur, votre action échouera.

Si les risques liés à une action en contrefaçon sont trop élevés, il peut être plus judicieux d’opter pour une action en concurrence déloyale (ou en parasitisme qui est aussi une forme de déloyauté dans la vie des affaires).

Si un photographe est incapable de prouver l’originalité de ses clichés, il peut toutefois envisager d’invoquer la concurrence déloyale ou le parasitisme si une agence tire profit de son image. Les possibilités d’une telle action doivent être bien vérifiées en amont.

Cette approche permet de défendre ses droits sans s’exposer aux incertitudes juridiques de la contrefaçon.

La différence de calcul du préjudice entre contrefaçon et concurrence déloyale

La réparation du préjudice diffère selon qu’il s’agit d’une action en contrefaçon ou en concurrence déloyale.

Réparation du préjudice pour contrefaçon :

En matière de contrefaçon, le principe est celui de la réparation intégrale du préjudice subi par la victime, sans possibilité d’allocation de dommages-intérêts punitifs.

La réparation est basée sur :

  1. Les conséquences économiques négatives pour la partie lésée, incluant le manque à gagner et la perte subie.
  2. Le préjudice moral causé par la contrefaçon, comme la banalisation ou la dévalorisation du produit ou de la marque.
  3. Les bénéfices réalisés par le contrefacteur, incluant les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels.

À la demande du créateur copié, la juridiction peut également allouer une somme forfaitaire. C’est le cas d’un photographe qui a été copié, et qui peut demander 10 000 € pour réparer son préjudice si les faits de l’espèce le justifient.

Pour en savoir plus, lisez notre article : « Contrefaçon, combien de dommages et intérêts ? »

Réparation du préjudice pour concurrence déloyale :

En cas de concurrence déloyale, l’évaluation du préjudice suit les principes classiques de la responsabilité civile. Encore une fois, qui dit comportement malhonnête, dit responsabilité engagée. Les tribunaux distinguent généralement :

  1. Le gain manqué : perte de clientèle, baisse du chiffre d’affaires, non-ventes, perte de parts de marché ou d’un contrat.
  2. Les pertes subies : atteinte à l’image de l’entreprise, surcoûts pour corriger les effets dommageables, perte de valeur de l’entreprise.
  3. La désorganisation de l’entreprise, notamment en cas de débauchage massif ou de détournement de fichiers stratégiques.
  4. La diminution d’un avantage concurrentiel, comme la banalisation d’un produit ou la perte d’un avantage commercial durement acquis.

Connaître la compétence des tribunaux en matière de contrefaçon et de concurrence déloyale pour maximiser ses chances de succès.

Bien choisir la juridiction compétente est une étape clé pour garantir l’efficacité d’une action en contrefaçon et concurrence déloyale.

Petit tour d’horizon des compétences des tribunaux :

En matière de propriété intellectuelle :

Certains tribunaux judiciaires bénéficient d’une compétence exclusive pour traiter les litiges relatifs aux droits d’auteur, dessins et modèles, brevets et marques.

Ces juridictions disposent de la spécialisation nécessaire pour juger de la validité des droits de propriété intellectuelle tout en intégrant les aspects concurrentiels de l’affaire.

En conséquence, saisir un de ces tribunaux est obligatoire et permet de traiter efficacement à la fois les questions liées à la propriété intellectuelle et à la concurrence déloyale.

Attention toutefois au délai et à maîtriser la procédure pas à pas en contrefaçon.

Si le litige porte exclusivement sur des faits de concurrence déloyale ?

La compétence revient en principe au tribunal de commerce. Ce tribunal intervient principalement dans les affaires commerciales où les enjeux ne nécessitent pas l’application des règles spécifiques en matière de propriété intellectuelle.

Vous l’avez compris : avant d’entamer une procédure, il est donc essentiel d’analyser en détail les fondements juridiques du dossier pour déterminer la juridiction la plus appropriée.

Une mauvaise orientation du dossier pourrait non seulement entraîner des délais supplémentaires, mais aussi compromettre l’efficacité de la stratégie de défense des droits, affaiblissant ainsi les chances de succès du recours.

Conclusion : bien articuler contrefaçon et concurrence déloyale pour protéger ses intérêts

Face à un concurrent déloyal ou à une contrefaçon, la question clé est : quelle action engager ?

La réponse dépend du droit à défendre et des preuves disponibles. Si un titre de propriété intellectuelle solide est en jeu, la contrefaçon est la meilleure option. Si l’infraction repose sur un comportement malhonnête sans violation d’un droit précis, la concurrence déloyale est plus adaptée.

Chaque situation est unique, et un bon choix stratégique peut faire la différence devant les tribunaux. Pour protéger efficacement ses droits, il est essentiel de bien articuler contrefaçon et concurrence déloyale.

Informez-vous en amont sur vos droits, consultez les tricks de Creatricks ! Et faites appel à un avocat pour optimiser votre action en justice !

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